GROTTE AMENAGEE DE SAINT LAURENT D'EZE 06360


Prospection et documentation : Françoise Prost, Henri Guigues, Raoul Barbès

Photos Henri Guigues

Etude 2009 mise à jour octobre 2022

Cette grotte a fait l'objet d'un article de Nelly Nussbaum dans le journal Nice Matin du 15 octobre 2022

                  

De gauche à droite:fenêtre gauche sur porte, fenêtre droite, plan, vue de l'intérieur.

D’après le texte en italien de G. Casalis de 1840 (), il y avait dans les environs d’Eze « une grotte dite « alle saline » parce que se trouvant à proximité du port où autrefois on déchargeait beaucoup de sel, cette grotte servait  de dépôt opportun au sel que par diverses routes de montagne on transportait au Piémont et de là en Lombardie ».

D’après un texte de Jean Truchi pages 29-30-42, « les comtes de Provence obligés d’abandonner le Comté de Nice… en 1419 se déclarèrent vaincus et renoncèrent à leurs prétentions sur notre pays. Les Ducs de Savoie établirent dans la baie et dans la grotte de Saint Laurent d’Eze l’entrepôt général des sels pour les états du Piémont et de Lombardie ; la grotte appelée les salines existe encore et est très bien conservée ».

Ce point de départ supposé vers le Piémont, parait curieux étant donné  la configuration des lieux, la modestie de la grotte et la difficulté des chemins. Jean Truchi a t-il repris le texte de G. Casalis ?

On peut penser que ce dépôt servait plutôt  à la distribution locale.

Les archives départementales conservent un acte de 1742 relatif à une vente de Pietro Antonio Fighiera à D Pio Michel Figuiera qui commence par les termes "Nel nome di Nostro Signore Giesu Christo amen, l'anno dopo sera natto mille sette cento quaranta due l'indizione quinta, e alli venti due di febraio avanti mezzo giorno..."

ref : A.D. C835 1734-1754  livre 5 pages 446-447 (recto verso) du 22 Fevrier 1742 

 "Au nom de Notre Seigneur Jesus Christ amen, l'année après qu'il fut né 1742....."

"indizione" (indiction) mention de l'année de l'indiction = position de l'année dans un cycle pour qu'un acte soit juridiquement valide ( remis en usage par Charlemagne). indiction peut aussi signifier "convocation".

L'acte concerne la vente de M. Pierre Antoine Fighiera, fils de Joseph Fighiera de Nice, au Révérend Don Jean-Michel Fighiera représenté par son neveu Jean Fighiera tous deux du lieu d'Eze, le 22 février 1742, à la Trinité, dans la maison d'habitation du Notaire Balduino, d'une grotte et de la moitié du passage attenant, libres de toutes charges, servitudes, et services spéciaux à l'exception des services royaux et locaux du lieu d'Eze pour une somme de cent Lires.

Pour avoir une idée des quantités de sel fixées annuellement pour Eze on peut se référer à l’ouvrage « Eze » de Charles-Alexandre Fighiera qui mentionne par exemple pour l’année 1815 : 170 rups de sel et en 1817 : 335 rups (le rup valant 25 livres soit 7,79 kg).

C.A. Fighiera décrit également dans cet ouvrage le rôle du « gabellot » chargé d’approvisionner la population en sel : « depuis le Moyen Age le commerce du sel a souvent été monopolisé par le Pouvoir… pour le pays de Nice après 1388 ce sont les Comtes puis les Ducs de Savoie. Le sel extrait des salins d’Hyères était réparti en plusieurs entrepôts, à Nice notamment où était établie la Banque du sel qui assurait la conservation et la distribution de la précieuse denrée…A Eze au XVIIIème siècle on applique la gabelle du sel édictée par le Roi de Sardaigne Victor Amédée II. On désigne le gabellot local chargé de la vente du sel et des papiers timbrés. Le régime français après 1792 avait fait disparaître ce monopole. En 1814 la Restauration sarde le rétablit. Le dernier gabellot ezasque a été Clément Fighiera qui restera en fonction  jusqu’à la mise en vigueur des lois françaises près 1860 »

 

Cette grotte a été retrouvée. Elle se trouve au pied du remblai de la voie ferrée sur la rive droite du vallon à une trentaine de mètres du vallon. Elle couvre une surface de 80 m2 environ et elle est de forme grosso modo rectangulaire avec une largeur de plus de 6 mètres et une longueur de plus de 12 mètres, avec une hauteur sous la voute de 6 mètres environ également.

Il n’a pas été possible de rentrer dans la grotte qui est fermée par un mur percé en hauteur de deux petites fenêtres rectangulaires.

L’entrée est bouchée par les remblais de la voie ferrée et des détritus jetés de plus haut.

Elle est séparée en deux sur toute la longueur par un mur de 3 m de haut et 40 cm d’épaisseur environ qui devait porter probablement un plancher.

Devant la grotte on distingue un muret avec des trous pour des piquets de grillage et sur le côté un début d’escalier pour atteindre le niveau bas  sans doute.

Les lieux ont été très modifiés par la création de la voie ferrée et de l’important remblai. On peut penser qu’initialement la grotte était en vue directe de la plage. Cependant la proximité de la mer et l’humidité qui pouvait en résulter devait être un obstacle à la constitution à cet endroit de stocks importants

Un lieudit dans les environs du site  étudié est dénommé la Salette.

D’après des textes du fonds Renaud de Falicon conservé à la Bibliothèque de Cessole à la villa Massena de Nice, la grotte aurait été vendue par les Fighiera, en même temps que le Prieuré de Saint Laurent aux Comtes de Falicon vers 1837 et certaines parcelles peut-être vers 1847.

Le 6 avril 1864 la propriétaire était Mademoiselle  la Comtesse Berthe de Falicon, et son beau frère le lieutenant général Frédéric Lovera de Maria, époux de sa sœur Octavie, a fait une déclaration écrite confirmant la propriété de la grotte.

Il semble en effet qu’un Sieur Rossetti  et d’autres voisins s’en servaient abusivement et que les Falicon l’avaient fermée à clef, ce qui est mentionné dans une lettre d’Octavie à sa sœur Berthe du 30 mars 1864.

Elle servait alors d’entrepôt.

Peu de temps après, lors des travaux d’établissement de la voie ferrée, un tunnel a été percé pour assurer l’écoulement des eaux du vallon et l’accès à la mer, et d’importants remblais ont été effectués devant la grotte.

Celle-ci a perdu dès lors tout intérêt.

On pourrait poursuivre l’étude en cherchant la date et les conditions d’achat du Prieuré par les Fighiera, et en cherchant jusqu’à quand la grotte dépendant vraisemblablement du Prieuré a été utilisée comme dépôt de sel.

 

Bibliographie

                                                                            

Casalis Gioffredo -  Dizionario geografico storico statistico commerciale compilato per cura del Professore e Dottore di Belle Lettere – Eza  page 440 vol VI Torino 1840

 

Fighiera Charles-Alexandre - Le Prieuré d’Eze, Nice Historique  1934 pages 182 à 191

Fighiera Charles-Alexandre - Le Prieuré d’Eze (suite), Nice Historique  1935 pages 1 à 13

Fighiera Charles-Alexandre« Eze » Serre Editeur

– Les chapelles champêtres

– Le Prieuré bénédictin  de Saint Laurent d’Eze p 80-82              

- Le gabellot » p 172 – 173                                    

- La gabelle du sel après 1792 » p. 361-362

 

Truchi Jean – Eze - domination des Comtes de Provence - Nice Historique 1899