MURS ET LINTEAUX DU BROC 06510

 

Photos Olivier Guigues, Jean Laffitte, Liliane Julia

Mise à jour septembre 2015

Prospections: Liliane Julia, Luc Thévenon, Jean Laffitte, Henri et Olivier Guigues, Nicolas Katarzynski, Raoul Barbès

Les murs et linteaux de ce village présentent des particularités intéressantes.

 

La place

Il s’agit d’une place à arcades qui a été agrandie, suite à la démolition d’une chapelle que l’on peut reconnaître sur d’anciennes photographies.

 

De gauche à droite: photo de l'ancienne chapelle, arcades, plaque 1687

Sur la place se trouve une niche vitrée où se trouve une statue en bois de Saint Jean provenant de l’ancienne chapelle

Sur une arcade on peut voir sculpté un motif dont la facture parait moderne mais qui comporte la date 1687. Le motif est visible sur une photo ancienne.

Sous les voûtes un encadrement de porte en marbre mentionne les initiales JC avec un motif  gravé.

A signaler aussi bouitique du Moyen Age sous les arcades, au 25 place de la fontaine à côté du restaurant la Mangiuca

De gauche à droite: JC sur motif, 3 rue Maionette ;

Le style de certains encadrements de portes se retrouve au village voisin de Bouyon et ces encadrements de pierre sont peut être dus au même sculpteur

Les rues

Au N° 3 rue Maionette on peut observer un encadrement de porte sculpté avec un cœur sculpté dans la clé de voute et un seuil ouvragé ce qui n’est pas courant.

Rue de la Maionette, existait un linteau avec gravé le sigle IHS avec en dessous les lettres qui semblent être OPS OV2T  avec la date 1567(photo de gauche) . Ce linteau a été déplacé pour la construction d'un immeuble
Ce linteau qui se trouvait dans la ruine de la rue de la Maïonette a été inséré dans un mur de pierre de la rue de la Tour au cours de la réfection de celle-ci.

Au N° 25 place de la fontaine boutique du Moyen Age sous les arcades à côté du restaurant la Mangiuca

Au N° 220 Rue de la voûte blason en linteau surmonté d’une couronne avec peut être une coquille sous les V inversé entouré par deux animaux fantastiques, qui semblent être des salamandres (photos du centre)

A l’intérieur il y a un escalier en colimaçon et l’on y retrouve à trois niveaux une grosse coquille de Saint Jacques

 Près de là, écu sans gravure sous le pountin (photo de droite)

L’ancienne porte du restaurant la Voûte ressemble aux portes de boutiques du Moyen Age.

En linteau est gravée la date 1788. La clé de voute de la porte voisine a été martelée.

Le style rappelle l’encadrement de la porte de la rue de la Maionette.

Derrière la fontaine on aperçoit la grand rue . La porte du N° 1 comporte un encadrement sculpté avec un effet de perspective très original. Le style rappelle en beaucoup plus élaboré la porte de la rue de la Maionette et du restaurant la Voûte

Sur la clé de voute on observe une sculpture en creux de trois signes, non expliqués.

Or dans le cloitre de Fréjus par exemple, on peut voir sur certains chapiteaux le même signe qui dans ce cas pourrait être une fleur de lys stylisée représentant la triple virginité de la Vierge Marie avant pendant et après la naissance de Christ. Cette symbolique s’est peut être perdue au cours du temps pour devenir un simple motif décoratif. On peut voir parfois le même motif en clé de voute par exemple au N° 10 place de la Fontaine à Bouyon.

Sur le mur de l’église cadran solaire avec la mention

« QUOD ASPICIS FUGIT »

Sur la vue générale de cette façade on voit les traces de divers remaniements

 

Au N° 16 rue de l’Hôtel de Ville est gravée une inscription latine mais d’époque probablement moderne très difficile à lire.

On reconnaît bien le mot TIMOR (la crainte). Il s’agit peut être d’une maxime. Voir essai de lecture.

L’interprétation de Nicolas Katarzynski est la suivante :


BIL (ou BN) ON TIMOR[---]O
D ANTO • CLE[..]OR
NO IVBIL [---]OO

L'état de la pierre rend la lecture difficile. Il y a sûrement deux, sinon trois lettres entre CLE et OR à la deuxième ligne.

 

Au N° 12 Place de Landrone se trouve un bel encadrement de porte en pierre qui rappelle ceux vus plus haut, photo de gauche

Au N° 4 rue de l’Hotel de Ville Boutique du Moyen Age et près de là autre boutique

 

Au N° 2 Place de l’Hôpital la clé de voûte est marquée 1808 et surmontée d’une fleur de lys inversé.

Le linteau est orné de deux motifs floraux 

Au N° 2 rue du Campon clé de voûte 1805.

AU N° 9 rue de l’Hôtel de Ville clé de voûte datée de 1813

La sous-face de la clé est également décorée. Cela ressemble peut être à trois pointes de flèches ou à ds feuilles disposées en éventail.

Clé de voûte datée de 1780 rue du Campon  photo de gauche. A côté du 10  rue de la Ferrage linteau en pierre avec les lettres MRA à l’endroit et à l’envers suivies de la date 1582 et de I 8 plus un ou deux chiffres trop usés pour les lire. photo de droite

Il faudrait connaître la date de construction de la maison pour savoir si ce linteau est en réemploi ou non.

Mais, à part les petits signes en bas à droite, on remarque une homogénéité dans la gravure de la date et des six lettres, trois à l’envers et trois à l’endroit : même style de gravure à double trait, même taille, même espacement, même graphisme. Il semble donc que le fait de graver trois lettres à l’endroit et trois à l’envers ait été volontaire.

Dans l’arrière pays niçois on trouve au moins deux ou trois exemples au tournant du XVIème et du XVIIème siècle montrant la volonté d’obscurcir un message, à Tournefort et la Tour sur Tinée. Voir dossier Internet Inscriptions-de-la-Tour-et-Tournefort. Voir aussi dossier Internet sigale_inscription. S’agirait-il ici de la même intention ?

Sur la clôture de la chapelle de la Sainte Baume à Pierrefeu 06910, on peut lire les lettres M.H.R.A.R.D et une date 1697. A droite une lettre M et ORA PRO NOBIS. Voir dossier Internet chapelle de la Sainte Baume

On peut imaginer l’interprétation suivante à savoir l’équivalent latin de :

« Mère des hommes, reine annonciatrice du règne de Dieu 1697 Marie prie pour nous ». Luc Thévenon (), juge cette hypothèse plausible.

Partant de là on peut imaginer que les lettres du Broc (MRA) peuvent être l’abréviation de Marie Reine des Anges, avec la première partie tournée vers la terre et la seconde vers le ciel.

Mais ceci n’est qu’une hypothèse

 

Linteau en bois décoré avec motifs floraux, lettres AA date 1643 et autres signes au N° 10 rue de la Ferrrage dans l’angle droit que fait cette rue.

A signaler aussi linteaux en pierre dans la même rue

Eglise

 

Sur le  mur face à la Mairie a été encastrée en réemploi une pierre romaine. Voir ci dessous

Sur le linteau de la porte a été gravée une inscription gothique

 

1 - L’Inscription gothique

 

Etude en collaboration avec Luc Thévenon ()

Rappelons que l’église est consacrée à Sainte Marie Madeleine et Saint Antoine

L’inscription est rédigée en latin

 

1 – La date :

 

Elle est en caractères romains. Il s’agit de l’année 1490.

Le M pour mille est surmonté par le caractère diacritique habituel pour le distinguer du M en tant que lettre. Les C sont gravés avec un graphisme classique d’ovales avec deux pointes à droite et la succession de quatre C est habituelle pour l’époque le « X » est d’un graphisme original.

La date se lit donc MCCCCXC

Voir dossier Internet « datations gothiques gravées »

 

2 – l’inscription :

 

Elle est difficile à lire car certaines lettres sont en partie effacées, et il y a de nombreuses tildes abréviatives.

Elle commence par DNS avec une tilde, pour Dominus. Le texte commence vraisemblablement par une invocation

Sur le philactère du jugement dernier de Notre Dame des Fontaines à la Brigue (1492) le D est représenté de la même façon.  Les lettres suivantes sont en partie effacées. Cependant il n’est pas impossible qu’on lise « da.onf.l ». A la fin de la première ligne on lit « monachi » et un mot non traduit « por. h (suivi d’une lettre en forme de S inversé) puis « ente ?)

Le P est surmonté d’un « r ». Luc Thévenon interprète ce corps de phrase comme « p(ri)or h(iste) eccle(sie).

Un mot important ressemble à « ruplizevoita »

A la fin de la deuxième ligne on lit  deux mots qui ressemblent à « comitatii burgundi(s ?) ».

Au début de la troisième ligne, on lit « hoc opus fecit » phrase classique pour  « a fait cette œuvre », ….puis un corps de phrase que Luc Thévenon lit « fieri st luote cu()m heredia »  On lit bien le « f » mais le mot suivant semble se terminer par « pote » avec une tilde qui touche la première lettre. Le mot suivant se li « cu » avec une tilde  et « hedil.z ».

 A la fin de la ligne il s’agit peut être  de « io : » prénom abrégé  de Jean et du nom propre « Dozolj »

Au début de la quatrième ligne « ad laud. dei  g(l ?.) surmonté d’une tilde puis  marie (ac ?) « magd »

La traduction pourrait être « à la louange de Dieu de la Vierge Marie et Madeleine ? ». Le « gi » surmonté d’une tilde étant supposé être l’abréviation de virgine ;

Les dernières abréviations sont lues par LT  « sanci antonii »

 

Au sujet de monachii

 

Dans Wikipedia on peut lire que la première église paroissiale dédiée à Saint Pierre est devenue par la suite la chapelle Saint Michel dont les ruines sont encore visibles en bas du village, et que Saint Pierre d’Olive est mentionné en 1320 comme possession des moines de Saint Pons Voir dossier Internet sur le vieux village

Ceci justifierait l’évocation des moines dans le texte du linteau.

 

On lit également que Sainte Marie Madeleine est mentionnée « indirectement » en 1312 mais sans référence au document.

 

Au sujet de Comitatii Burgundis

 

Le comté de Bourgogne serait donc concerné par cette inscription. Or une Marie comtesse de Bourgogne (1380- 1428) a été mariée à Amédée VIII Comte puis Duc de Savoie  qui se serait rendu à Nice en 1420. Ils ont eu comme enfants notamment une Marguerite (1418 – 1479) et deux Antoine morts bébés.

Notons que dans la région de Dosfraires existe une chapelle Sainte Marguerite mais ce n’est  peut être qu’une coincidence.

 

 

Au sujet de Dozolj

 

La terminaison « j » ne représente pas un cas isolé. Le patronyme Dozol existe toujours mais plus au Broc semble t-il. Dans le passé il était assez diffusé sur la rive droite du Var, particulièrement au Broc, et surtout à Bar sur Loup où le patronyme existe encore

 

Au sujet du latin

 

A Bar sur Loup, le texte de la Danse Macabre, à peu près de la même époque est en provençal. On peut réfléchir dans le texte du Broc à la présence éventuelle de mots en dialecte

 

Conclusion

 

Même si l’on ne peut pas traduire complètement l’inscription, et en se référant aux hypothèses précédentes, on peut imaginer que l’église a été édifiée ou reconstruite en 1490 en l’honneur de Sainte Marie Madeleine et de Saint Antoine par un maçon (et ?)  un graveur du nom de Dozol en remplacement d’une église ou chapelle précédente des moines de Saint Pons grâce à la générosité de la Comtesse de Bourgogne.

 

2 – L’inscription romaine

 

Elle a été étudiée par Nicolas Katarzynski et son commentaire est le suivant  :

Voici la restitution hypothétique de l'inscription :

[---] VELABI F MIL CHOR

[--- ..]PINORVM QVI

[---]T IN • PANNVNIA

[---]LA[.]IO VIRO GE

[---] V[. .]T VLATVNAE

[--- …..]MENTO •

[---]IT

[---] Velabi f(ilio ?) mil(iti ?) c(o)hor(tis) / [Primae ou Secundae ? Al]pinorum qui / [militaui]t in Pannunia / [uexil]la[r]io uiro Ge/[mina coni]u[x e]t Vlatunae / [filiae ex testa]mento / [posu]it.

(A ? …), fils de Velabus, soldat de la première ? cohorte des Alpins, qui a servi en Pannonie, vexillaire, Gemina à son époux et à Ulatuna, sa fille, a élevé (le monument) selon le  testament.


« L'épitaphe est difficile à restituer en raison de l'énorme lacune à gauche. Mon professeur pensait même qu'il puisse exister une autre inscription placée à gauche. En gros, le défunt est sans doute pérégrin. Il appartenait à l'une des trois cohortes alpines. Il est peut-être un vexillaire de la cohorte alpine. Il a passé son service en Pannonie. Il serait décédé pendant le service sans avoir accédé à la citoyenneté. Gemina aurait alors élevé une épitaphe pour le militaire et pour sa fille Ulatuna. L'inscription serait datée de la fin Ier - début IIe siècle avec une extrême réserve et la restitution est très hypothétique ».

Svastikas ou lauburus

 

Liliane Julia décrit un svastika (Lauburu est le terme basque), passage de la Sousto, passage couvert qui fait la jonction entre la rue de la Maionnette et la route du Pont Charles Albert.
Toutefois, si ce lauburu figure en bas de la porte, le haut est ordinaire mais en très bon état.

Elle a observé également un lauburu à quetre virgules au 25 place de la Fontaine (photos ci contre)

Y aurait il eu un artisan d'origine basque dans les environs du Broc?

Voir aussi le dossier Internet: mythe du svastika et le dossier Internet Bouyon

Liliane Julia a remarqué en plus des lauburus se trouvant sur les portes du passage de la Sousto et 25 place de la fontaine, la croix en fer forgé datée de 1827 placée face à la chapelle St Antoine ( derrière le moulin à huile ) qui en possède trois, dextrogyres ou levogyres selon le côté où on les regarde. De gauche à droite, bras gauche de la croix, sommet avec INRI, bras droit, ensemble


Bibliographie

 

 

PCAM, Patrimoine des communes des Alpes Maritimes, éditions Flohic 2000

Thévenon Luc – Conservateur en chef du Patrimoine