Point du Ramingao à Roquebrune Cap-Martin

LA VOIE LA TURBIE MONACO PAR CAP D’AIL

Comment ont été approvisionnés les marbres de Carrare utilisés pour le Trophée d’Auguste à La Turbie ? C’est cette question qui a motivé la présente étude.

En faisant l’hypothèse que les blocs sont arrivés à Monaco par bateau, deux tracés peuvent être envisagés, compatibles avec le passage de chariots. Eliminons les chemins par le vallon des Révoires

Il y a en effet deux chemins de part et d’autre du vallon des Révoires puis en aval dit des Gaumates, mais qui paraissent beaucoup trop raides pour pouvoir assurer un tel transport. Il s’agit de chemins muletiers qui existent toujours en partie et dont certains tronçons ont été incorporés dans la voirie moderne. Leur existence dès l’époque romaine est possible.

Une autre possibilité envisageable était constituée par un trajet depuis le bord de mer vers l’emplacement de la chapelle de Bon Voyage à Roquebrune Cap Martin par une voie devenue depuis dans sa partie haute le chemin de Serravale et de là par la Via Julia vers la Turbie.

Mais la Via Julia dans son tracé supposé au droit de Fontdivine présentait un passage très difficile et il est permis d’avoir des doutes sur un approvisionnement de matériaux lourds par cet endroit, sans pour autant s’appuyer sur des raisons plus précises.

Une autre possibilité de transport était peut-être constituée par une voie entre la Turbie et Monaco par l’ouest de la Tête de Chien.

Quels sont les arguments en faveur de  cette thèse ?

Entre le circuit des bolides miniatures sur le CD 37 et la Moyenne Corniche, existe un chemin dit romain qui est carrossable dans sa partie basse. Ce toponyme existe-t-il par une tradition qui s’est perpétuée ?

Le plus ancien plan connu exploitable, est un plan de 1602 (), dit d’indication des limites car le problème de la délimitation entre Monaco et le Comté de Savoie s’est posé depuis longtemps et n’a été résolu qu’au XIXème siècle par un traité entre la Pincipauté et le Royaume de Piémont  Sardaigne.

Sur ce plan on voit un chemin qui monte depuis le quartier des Salines à Monaco vers Costa Plana et Brasee. Il passe au nord de la tour Abeglio et au sud du lieudit Bautugan.

Ces toponymes existent encore ou peuvent être reconstitués. Le nom de Costa Plana est toujours utilisé. Le lieudit Bautugan correspond à une enceinte celto ligure au dessus du cimetière de Cap D’ail. Abeglio correspond à la tour sarrazine située dans la propriété de la maison de retraite du Cap Fleuri. Brasee correspond à l’enceinte celto ligure de Brasca.  Au delà le plan n’est pas exploitable car c’est une vue perspective de la façade maritime de la Tête de Chien.

Le tracé imagé figurant sur ce plan correspond d’après les éléments caractéristiques au chemin actuel dit romain.

Le plan de Bourcet de 1764 nous donne le tracé complet entre Monaco et la Turbie par une très grande courbe qui n’est pas en contradiction dans sa partie moyenne avec le plan cité précédemment. Pour la partie basse il indique plusieurs tracés.

Le plan du chevalier Millet de 1747 n’est pas exploitable, pour ce qui concerne cette étude.

Le plan d’assemblage du cadastre de la Turbie de 1874 (), indique un tracé qui n’est pas non plus en contradiction avec les précédents mais il montre un lacet dans la partie basse et n’est pas exploitable pour la portion située dans le quartier des Salines.

La carte d’Etat Major au 1/80000ème de 1878 indique grosso modo le même tracé. Le quartier Bautugan est appelé Bourdine et la cote 238 du plan correspond au sommet de l’enceinte celto ligure. Le quartier des Salines est nommé Salinia.

La route moderne dite CD 37, en partant de La Turbie décrit une longue ligne à peu près droite à part de petits virages peu marqués, puis une fois passée à l’ouest les barres de Loubière , se dirige vers l’est par un grand virage jusqu’à une épingle à cheveux (cote 296), après quoi la route revient vers l’ouest au droit du parc des bolides miniatures où se trouve un autre virage en épingle à cheveux. La route se dirige à nouveau vers l’est jusqu’à un deuxième virage en épingle à cheveux (cote 232) puis rejoint la Moyenne Corniche.

Deux éléments ont altéré la voierie ancienne. A l’ouest c’est la construction de la Moyenne Corniche au début du XXème siècle puis son élargissement dans les années 1960, et la décharge sauvage en bordure du CD 37 dans les années 1970 qui a ensuite servi de plateforme pour le parc des mini bolides. Enfouis sous cette décharge se trouvent des vestiges du chemin que l’on peut suivre un peu plus bas vers l’est.

Plus à l’est l’autre élément d’altération au sud a été également la construction de la Moyenne Corniche, son élargissement et les accès au cimetière de Cap d’Ail.

Hypothèse concernant la voie ancienne entre La Turbie et Monaco

 

En partant de la Turbie et jusqu’au grand virage vers l’est, il n’a pas été trouvé de trace de chemin en dehors de l’emprise du CD 37.

On peut donc considérer que la route moderne se trouve sur l’emprise même du chemin ancien.

Un peu en amont du grand virage et en contrebas on peut voir un chemin dans le prolongement de la ligne droite.

Entre le grand virage mentionné ci dessus et la parc des mini bolides, les lieux ont été bouleversés par divers aménagements et à cet endroit des travaux paysagers sont en cours sous l’égide de la Mairie de Cap d’Ail et on peut penser que la voie suivait un tracé avec une grande courbe vers l’ouest pour se raccorder sous le parc à la voie ancienne large d’environ 2 mètres encore visible.

Depuis sa création ce chemin a pu être conforté et amélioré à diverses époques jusqu’au XIXème siècle.

Cette voie, coupée par la CD 37 environ 500 mètres plus bas par le dernier tronçon du CD 37 avant la Moyenne Corniche, se poursuit vers l’est par une route carrossable à travers des lotissements et se trouverait donc sur l’emprise de la voie ancienne.

Elle devait se poursuivre vers l’est en contrebas de la Moyenne Corniche à travers les terrains de la Maison de Retraite du Cap Fleuri pour se raccorder à la Basse Corniche qui serait ainsi sur l’assiette de la voie antique.

Des tronçons de cette voie sont nommés « chemin romain », mais il y a lieu d’être prudents avec les toponymes qui ont pu être introduits à l’époque moderne. Cependant son emprise n’a pas été substantiellement modifiée depuis 1600.

Il est donc très plausible que cette voie connue au début du XVIIème siècle soit romaine, et qu’elle ait été utilisée dès cette époque pour le charroi entre Monaco et La Turbie.

Il est même possible que la partie de la voie entre Monaco et le parc des mini bolides soit beaucoup plus ancienne que l’époque romaine mais ceci fait partie d’une autre étude.

Voir aussi le dossier: voie antique présumée entre Nice(Nikaia) et Monaco (Monoikos)

Bibliographie

Annales Monégasques N° 20, 1996 page 295 suivant archives du palais de Monaco APM A 78