LE VILLAGE D'EZE 06360 EN 1840


Mise à jour Décembre 2010

suivant le dictionnaire de Casalis Tome VI - B 8136

Traduction Françoise Prost du chapitre Eze

pages 438-439-440-441-442

Ci contre Eze d'après une gravure anglaise vers 1865

EZE (Isia, Avisio), commune sous mandat de Villefranche de Nice, province, diocèse, division intendance générale, préfecture, hypothèques, insinuations de Nice. Dépend du sénat de Nice, poste de Villefranche de Nice.

Elle est située sur la côte ligure occidentale entre Monaco et Villefranche, sur un haut promontoire, d’où l’on découvre la mer avec, à proximité, le fort et la péninsule de Saint Hospice et, à l’horizon, par ciel serein, les hautes montagnes de la Corse.

Il y a deux routes communales, toutes deux en très mauvais état : l’une monte d’Eze à la grande route de Gênes ; l’autre se dirige vers la Turbie qui se trouve à une distance d’une heure de marche.

Ce village est entouré de montagnes et de coteaux sur lesquels on voit de bonnes pâtures.

Il y a encore les restes d’un ancien château. Pas loin du port il y a un moulin dans un bel emplacement, un peu au -dessus du niveau de la mer : là, d’un rocher surgit une copieuse source d’eau.

La richesse principale de cette commune provient des oliveraies. Il est dommage que les habitants négligent la culture des vignes qui auraient un très bon rendement sur certains coteaux de leur village, communément appelés « de la mer d’Eze » ou de « Saint Laurent » lesquels se trouvent protégés de l’air froid provenant du côté nord de la Corse. Sur les autres plages, exposées à de tels vents, il est vrai que les raisins ne parviennent pas à parfaite maturité. On doit tout de même reconnaitre que certains propriétaires d’Eze ne se donnent pas la peine de cultiver les vignes car ils préfèrent profiter, à moindre coût, des pinèdes qui s’y multiplient avec succès, au bord de mer.

Outre les huiles, le sol produit des citrons, des cédrats, des oranges, d’excellents fruits et de bons légumes tels que les caroubiers qui poussent bien sans culture. Mais en général le territoire n’est pas très productif à cause du manque d’engrais.

L’air y est très salubre et les octogénaires, hommes et femmes, ne sont pas rares. Le choléra asiatique, qui, il n’y a pas très longtemps a envahi cette province a fait le tour d’Eze sans s’y introduire.

Les habitants sont vigoureux, durs à la tâche et sobres ; mais en général ils sont pauvres, non seulement pour les raisons indiquées ci-dessus, mais aussi parce qu’une grande partie de la commune est encombrée de roches nues.

L’église paroissiale fut restaurée en 1765, et dédiée à Marie Vierge montée au ciel dont ont admire la statue en bois de figuier qui se trouve derrière l’autel majeur. Elle fut visitée par le célèbre peintre David et par trois de ses compagnons, qui passèrent à Eze à l’occasion d’un voyage à Rome. Ils furent contraints de s’ arrêter en ce lieu à cause du mauvais temps et laissèrent à la paroisse, en signe de reconnaissance, pour l’hospitalité dont on avait fait preuve à leur égard, un tableau chacun : celui qui a été offert par David représente le baptême du Christ, les trois autres offrent au regard , l’un une Vierge Marie des douleurs, un autre un Saint Joseph à l’agonie, et le troisième les âmes du purgatoire : ces tableaux reçurent une appréciation très élogieuse de l’éminent Horace Vernet qui, lui aussi, passa par ce village en se rendant à Rome. (Note: le passage de ces peintres a été aussi raconté par Charles Alexandre Fighiera () page 33 qui précise l'année 1775, et en page 42 il note que les peintres Charles et Horace Vernet sont venus spécialement pour les voir en 1829. Il ajoute qu'on ne sait pas quand et comment le tableau de David a disparu.

Mais il ne cite pas ses sources)

Dans la région fertile de Saint Laurent, il y eut autrefoist un monastère de Bénédictins dont une moitié existe encore : l’église qui lui était annexée sert aujourd’hui de chapelle publique.

Les voyageurs vont visiter la grotte voisine, communément appelée « alle saline » (la grotte des salines) car elle se trouve au voisinage du port où autrefois on déchargeait beaucoup de sel : cette grotte offrait un entrepôt opportun pour ce même sel, que par diverses routes de montagne on transportait au Piémont et de là en Lombardie (voir Ellero).

Le cimetière se trouve à  une distance d’une centaine de mètres de la paroisse.

Les habitants d’Eze ont recours aux poids et mesures de Nice.

Dans ce territoire on trouve :

De l’albâtre, ou plus précisément de la chaux carbonatée d’albâtre, de couleur blonde, semi-transparente, qui reçoit un beau polissage.

De la marne verte chloritée, semblable à du  grès vert, dite aussi glaise verte, ou « green sand » pour les Anglais, ou «  glauconia crayeuse » pour Brongniart. Elle est très tendre et donne une forte effervescence avec de l’acide nitrique. Venue du Vallon de l’Aghet, la terre verte préparée pour la peinture avec la marne chloritée susdite donne lieu à un commerce avec la ville de Lyon destiné à  la fabrication de tapisseries en papier.

De la chaux carbonatée compacte avec des zoophytes et des coquilles pétrifiées : du Vallon de Saint André.

De la chaux comme la précédente de couleur tirant plus sur le beige, avec diverses pétrifications : du même vallon.

Des fossiles ayant l’apparence des orbulites, recouverts de vestiges de petits animaux marins ; Appartenant à la formation marno-chloritée indiquée ci-dessus.

Corne d’Ammon, fragment de fossile de la formation sus-mentionnée.

Quelques notes historiques

Le port de cette terre est mentionné dans l’itinéraire romain d’Antonin, où il apparaît sous le nom d’ « Avisio Portus » (Port d’Avisio) à une distance de IV. M.P d’Anao Portus, lieu qui correspond au côté méridional de la péninsule dénommée Saint-hospice et  où l’on n’a, à présent, aucune trace de port.

Autrefois, dans le château d’Eze existait une plaque commémorative romaine comportant une inscription que l’on retrouve maintenant, dans son intégralité, sur la façade de l’église paroissiale et qui est libellée comme suit :

EZA

L. VLATTIUS.MACRINVS

ET. AEMILIA.P .F. POSILLA.SIBI. ET

L.VLATTIO . MACRO . FILIO

BVRCIAE . M .F. SECVNDAE

EMILIAE. M. F.MARCELLAE

VIVI.FECERVNT

 

Il semblerait que le Vlatio de cette inscription et son épouse Emilia, lorsqu’ils étaient en vie, aient préparé leur propre tombeau ainsi que celui de leur fils Vlatio Macro et de son épouse Burcia ainsi que celui d’une autre Emilia, sœur de la première.

Au moyen-âge le premier nom de ce village tel qu’il a été mentionné, se raccourcit en Isia, Isya, Hesa et Eza, comme on le voit dans les diverses cartes rapportée par Pierre Gioffredo.

Eza,en ce temps là, eut un château fort et ses seigneurs particuliers dont les traces remontent à 1144, ils n’était pas autrement appelés que par le nom de cette terre et possédaient également les territoires de Monaco et de la Turbie.

A la date sus-mentionnée, Guglielma, épouse de Ferraudo, seigneur d’Eze, donna à l’église édifiée par les turbiasques dans le port de Monaco, certaines possessions, outre un quart des dîmes de ce lieu, et en établit l’acte en présence de l’évêque Pietro di Nizza (Pierre de Nice).

Lorsque le Comte Charles d’Anjou après son mariage avec Béatrice, dernière héritière des Comtes de Provence, vint (en 1246) visiter cette contrée dont dépendait alors le Comté de Nice, les seigneurs d’Eze  Ferraudo et Rostagno avec Pietro Balbo, Comte de Vintimille, vinrent leur rendre hommage ; et par la suite (1265) l’accompagnèrent dans son entreprise de Naples.

Dans les premières années du quatorzième siècle on trouve parmi la suite du Roi Robert un certain Brunoro d’Eze, fils de Giovanni dont la vaillance et la constance au  service du roi furent tels que celui-ci par patente du 3 octobre 1310 en fit son familier, le considérant comme celui qui s’était désigné par la sincérité de son affection et par  la fermeté et la  pureté de sa dévotion.

La même année certains nobles génois feudataires de Vento, aidés  par les Doria, émirent des prétentions sur ce château et d’autres châteaux situés alentour; mais Brunoro opposa à ces hostilités une convention qu’il passa avec ces prétendants, avec l’accord de ses frères : ainsi  Brunoro, Marino Richieri et Giordano Badato, co-seigneurs d’Eze, pour satisfaire aux désirs du Roi Robert, jurèrent-ils fidélité à Giovanni et Maria, fils de Carlo, duc de Calabre.

Dans la famille Badati, un  Andreotto, s’étant distingué au service de Charles III de Naples, obtint de ce dernier une rémunération consistant non seulement en la confirmation des fiefs d’Eze et de Villefranche, mais également en cent onces d’or annuelles sur les régies provenant de Castellane ; il fut, d’autre part, nommé chambellan par la Reine par lettres du 12 octobre 1385.

Six ans après, la province de Nice étant passée sous la domination de l’auguste Maison de Savoie, les Richieri (Riquier), en la personne d’Honoré et les Biacassi (Blacas) liés à Eze par mariage, en la personne de Raimondo, lui prêtèrent serment de fidélité.

Amedeo VIII investit un Bertrand Riquier du fief d’Eze et du tiers de Cap d’Ail, comme il est dit dans le papier d’investiture Caput Dalphini.

En dépit de la domination des Princes de Savoie sur ces territoires, le roi Charles III de Naples, inquiété par diverses dettes, et principalement celles contractées envers Giovanni Roncaglia et Nicolo Spinola lesquels lui avaient prêté de grosses sommes d’argent en plus d’avoir armé à leurs frais une galère, leur donna en gage, jusqu’à l’entier remboursement de la dette, les régies tirées des lieux d’Eze et de la Turbie.

Avec seigneurs d’Eze dont il a été fait mention, on voit qu’à diverses époques le château fut tenu par un Guigone de Romulis et un Catalano Sollieri.

Cette terre devint  ensuite le Comté des Cortina S.Martini, puis passa de ces derniers aux nobles Peyre de la Costa.

 

 
        Turbia (La Turbie) pages 366 à 380
        Utelle pages 495 à 501
        Val di Blora pages 513 à 517
        Val d’Entraunes page 611
        Val di Lantosca page 654
B 8159
        Rien pour le Comté 8160