Villefranche sur Mer 06230 suivant le dictionnaire de Casalis


 Mise à jour janvier 2014

  

Dizionario de G. Casalis Turin

 

Villafranca di Nizza (Villafranca Niciensium) – Villefranche sur Mer

 

Chef Lieu de mandement de la province de Nizza Marittima (Nice). Dépend du magistrat d’appel, intendance, tribunal de première instance, hypothèques,  Insinuation de Nice.

Ici se trouvent les bureaux de commandement en second du département de la marine royale, celui de commissariat de santé, et le bureau des postes royales.

La ville se trouve au bord de mer, à l’est de Nice, dont elle est distante de trois milles environ.

Le mandement de Villefranche touche à l’ouest celui de Nice avec la mer au sud,  au nord avec d’autres lieux qui la protègent de l’aquilon et à l’est la Principauté de Monaco

De la petite ville de Villefranche comme chef lieu de mandement, dépendent  les commues suivantes : Eza ou Esa (Eze), Trinita-Vittorio (La Trinité Victor) et la Turbia (La Turbie)

Deux quartiers appartiennent à Villefranche, c'est-à-dire  celui appelé S.Jean et celui bien nommé de Bel Luogo (Beaulieu sur mer), dans le golfe de S.Hospice, et S.Michel au nord. Appartiennent  en outre à Villefranche les hameaux de Castellet et S.François de Salles, situé sur le côté oriental de la péninsule de S.Hospice, et S.Michel au nord du village de Beaulieu, sur une colline qui regarde la vallée de Lautignier et à proximité du Cap Roux.

Une des ses voies communales mène à Nice vers l’ouest, au nord il y en a deux autres qui mènent à la route royale de Ligurie.

Il n’existe ici aucun fleuve ni torrent ni ruisseau d’où il résulte que pendant la saison estivale la ville souffre de pénurie d’eau d’irrigation, principalement si au printemps elle ne reçoit pas de  pluie.

Villefranche bénéficie d’un port beau et spacieux construit par la nature où les bateaux sont en sécurité. Il est ouvert au midi et limité au nord par des montagnes très hautes, à l’ouest par les collines de Montalban et Momboron, et enfin à l’est par une langue de terre connue sous le nom de péninsule de S.Hospice dont la forme est celle d’un crocodile gigantesque étendu sur la mer.

Cette péninsule dont nous parlerons ci-dessous est un plateau élevé heureux cultivé en grande partie et habité par quelques familles de pêcheurs où l’on fait une pêche abondante de thon.

Les bâtiments de commerce qui font le commerce du grain et de l’huile abordent à ce port pour faire la quarantaine. Certaines fois s’y ancrent des bâtiments à vapeur.

A l’extrémité  de cette péninsule s’élève sur un côté un phare à éclipse, dénommé la Lanterna, construit en 1752 pour guider les navires. Ce fanal est à 68 mètres au dessus du niveau de la mer à la latitude de 43°40’ 22 et à la longitude de 4°59’51 (méridien de Paris)

De l’autre côté de la péninsule  vers l’est on voit une tour et une chapelle dont on parlera plus loin.

Ce port fut pendant des siècles le seul point de réception des bois pour la marine de Savoie, qui y élevèrent  de nombreux et beaux ateliers pour le service de la marine.

D’ici partirent les quatre galères qui sous la conduite du valeureux Andrea Provana  déployèrent glorieusement la croix blanche à la fameuse bataille de Lepante, lequel Provana, soit dit en passant de retour à Turin, fut fait amiral de l’ordre militaire des S.S. Maurice et Lazare. Il partageait sa résidence entre Villefranche et Nice. Ici s’élèvent les collines  de Nice sur la route qui mène à cette ville, le Mongrosso (Mont Gros) distant d’une heure du sud au nord. Sur ce mont campèrent les autrichiens au nombre de 30000 (voir vol XI page 101), le mont Leusa (Leuze) haut de 575 mètres que domine au nord le chemin de la Turbie ; le Mont Boron. Pour ce qui concerne ce mont il faut se référer à ce qu’en dit le célèbre Giustiniani : « il est grand, haut, pierreux et infertile et au sommet comporte une tour de garde qui reçoit les signaux  qu’on fait avec des feux  d’Antibes et de Capo Rosso. Elle fait de même des signaux vers la Turbia et Monaco. Au Monboron  sur  le côté se trouve le mont de Villafranca et de l’autre  il touche au Mont Grosso, lequel est fertile et où l’on cultive la vigne, sauf au sommet, où dans l’antiquité se trouvait une inexpugnable forteresse édifiée sur la roche pointue et très dure, et dans le milieu elle comporte une grotte appelée par les paysans Balmia, chose très ancienne ». Le mont Grosso fut ainsi appelé pour son ampleur plus que pour son élévation.

 Au sommet du Mont Boron qui sépare Nice de Villefranche,  se trouve le fort du Mont Alban, qui fut gaillardement défendu par les troupes du roi de Sardaigne contre les gallispans qui l’assaillirent et se rendit lâchement en 1792 aux républicains de France quand ils envahirent le comté de Nice. A cette époque il était muni de cent quatre pièces de canon.

Sur les pentes occidentales on trouve le fort Thaon, délicieux bâtiment par référence au nom de famille et à la noblesse  du titre de forteresse, car en 1744 un piquet de soldats sardes y soutint une attaque  face à trois compagnies de grenadiers gallispans.

Les produits principaux de la commune sont l’huile d’olive, les agrumes, c'est-à-dire citrons et des oranges, peu de froment et peu de vin ; on fait le commerce de ces produits avec la ville de Nice d’où ils sont transportés en France. Dans la saison les chasseurs trouvent ici un bon nombre de cailles, colombes tourterelles et grives.

Les maisons  de cette petite ville  au nombre de quatre cents  furent construites en forme d’amphithéâtre sur le côté occidental de la plage de la cale. Un fort château la sépare du port et un bassin couvert qui sert à la construction et à la remise en état des navires.

Non loin  se trouve le bagne avec sa population de forçats et le lazaret qui vient d’être refait  ces derniers temps sur un terrain très adapté.

Villefranche est renommée pour son climat  dont on ne trouve pas de plus salubre  sur toute la côte de Provence et de Ligurie ; il est tel que l’on cultive les citrons  en plein champ et ici les fruits mûrissent plus tôt. Sur son territoire on trouve les plus grosses olives de la province.

L’église paroissiale dédiée à S.Michel a le titre de vicariat rural. Elle n’est pas vaste mais de construction moderne. Il y a en outre trois chapelles propres à autant de confraternités.

Le cimetière se trouve en dehors de l’habitat à peu de distance de celui-ci. En 1610 existait dans une position très riante une autre église avec un couvent de P.P. Capucins, qui fut réduite  en lieu de plaisir par le général français Miollis

Il y a deux places ; l’une sert pour la vente des poissons et des légumes ; sur l’autre en dehors de la ville se font les exercices militaires.

Il y a là un hôpital, petit mais bien construit, et bien situé, il appartient à la société des confrères réunis de S. Jerôme et du Saint Esprit.

Il y a aussi un petit Mont de Piété.

L’enseignement dans l’école communale avant 1792 allait jusqu’à la grammaire ; à présent on n’enseigne plus aux enfants que des principes de lecture, d’écriture, et les premiers éléments de langue italienne

A Villefranche se tient habituellement une garnison de trois cents hommes d’infanterie.

De cette ville on peut aller à la péninsule de S.Hospice par mer ou par terre en contournant  par le nord la rade de Villefranche, mais cette route n’est praticable qu’à pied ou à cheval, il est plus commode de traverser le golfe en bateau pour ensuite débarquer à un petit mouillage opposé. De là on parvient au golfe de S.Jean ou S.Hospice après avoir traversé de belles campagnes  couvertes d’oliviers, de caroubiers, de citronniers et d’autres arbres fruitiers.

Au milieu du golfe on voit des filets disposés en ordre pour la pêche au thon qui se fait du mois de février jusqu’au mois de mai ; à ce moment viennent de Nice beaucoup de paysans. Certaines années on en prend plus de cent tonnes en une seule « mattance » (mattanza).

A l’extrémité de cette péninsule on voit les ruines d’une forteresse construite par le duc Victor Amédée I et démolie en 1706 par le maréchal de Berwick. Il ne reste plus sur pied qu’une petite tour destinée aux signaux. Puis on arrive à une petite chapelle dédiée à S.Hospice, pieux anachorète, qui habitait ici au milieu du VI ème siècle. Sa vie de pénitence,  ses miracles et ses profethies, le rendirent célèbre On dit qu’il annonça la venue des Lombards en ces termes « venient in Galliam Longobardi et vastabant civitates septem »

Les habitants de Villefranche sont en général vigoureux et sont des marins.

La population se monte à 2815.

 

Notices historiques

 

Le Portus Olivulae de l’antique itinéraire maritime fut placé par Cluverio à Villefranche, mais par erreur c’est de même que fit après lui P.Beretti ; mais  les deux furent trompés par la relation du voyage d’Avignon à Rome du Pape Gregoire XI en 1576, lequel fut le premier à confondre ces deux lieux en disant : Villamfrancam sive Portum Olivulae intrarimus. L’emplacement de Villefranche est moderne et se distingue des ruines de la voisine Olivula. On peut noter que les franchises concédées par Charles II comte de Provence roi de Naples en 1300 invitèrent les habitants de Monte Olivo à s’établir dans cette cité nouvelle qui fut fondée seulement en 1295.

Mais il faut en outre reprendre l’erreur de Gioffredo qui renouvelant l’erreur de Biondo, et d’Alberti, s’efforça  de démontrer que le port de Villefranche était le Portus Herculis et que Monaco était le Portus Monoeci, comme l’avait malheureusement indiqué Ptolémée, lequel la situa au milieu du Trophaea. Il parut à Gioffredo invraisemblable  que Strabon lib.IV n’ait pas parlé du fond de rade de Villefranche, qui avait dit que en suivant le littoral de Monaco jusqu’à la Toscane il n’y avait pas de port  à part quelques petites rades bonnes pour s’abriter et à jeter l’ancre. Strabon excepta le fond du golfe de Villefranche car il ne commença ses observations qu’à partir de Monaco jusqu’à la Toscane

De Nice au port d’Olivula l’itinéraire maritime indique  V ; mais peut être que dans ce nombre il entre quelque fraction de plus ; toutefois la différence confrontée à l’observation sur place ne serait pas de plus d’un mille .

Puis dans les temps obscurs,  ce lieu a été appelé  castrum de monte Olivolo.

Sur une carte  de 1078 citée par Gioffredo page 164, on lit ecclesiam, quae est sita in territorio qui nominatur Olivum juxta portum quae nominant  fossas de Astingo.  Les vestiges de ce lieu se trouvent sur le mont Olivo  à l’est de Villefranche : l’espace entre cette cité et  ces vestiges  est de trois quarts de mille, par conséquent le Portus Olivulae se trouve sous le mont qui porte le même nom et ainsi dans cette partie du fond de rade de Villefranche qui est à l’est. Gioffredo fixe exactement la position de ce lieu et de son port page 34 : Olivula…in colle edito qui nunc dicitur Mons Olivi ubi antiquum sancti Michaelis templum, ac veteris castri rudera ejusque portus magis quam Villafranca orientalior sanctii hospitii arci adjacet .

Près de l’antique tour de S .Hospice  qui fut abattue quand le duc Victor Amédée I fit construire la forteresse susnommée dite de S.Hospice on trouve l’inscription romaine suivante :

 

P.Elvivs.P.F

Deo.Sancto .H…… (Herculi)

Donvm.Dedit

 

Note: Cette Inscription serait fausse... (CIL V, 1018*).

 

 

A peu de distance de l’église antique qui y fut érigée, se trouvait, le monastère dont S.Hospice fut abbé. Gregorio Tuonenses, Ajmoino, Paolo Diacono et Sigisberto parlent de ce saint.

Les petits bois de frênes et de pins qui occupaient anciennement la péninsule de S.Hospice ont fait donner également à un site ainsi qu’à une terre  le nom de Frassineto. C’est le célèbre Fraxinetum Saracenorum à propos de la position duquel des positions incohérentes furent imaginées. Près de l’extrémité de la péninsule  s’élève le monte Mauro aujourd’hui Mombron ainsi nommé  car les Maures ou Sarazzins s’y réfugiaient  sur cette roche escarpée  chaque fois  qu’ils  étaient assaillis dangereusement, comme l’enseigne Liutprando au début de son histoire.

Fraxinetum in Italicorum, Provinciliumque confinio stare manifestum est :mari uno ex latere cingitur, et in coeteris densissima spinarum sylva munitur…montemque Maurum villulae coharentens contra vicinus gentes refugium parant.

C’est pourquoi, disait Durandi, le lieu  de Fraxineto se trouvait au pied du mont Mauro  et ainsi à l’extrémité septentrionale de la péninsule, et non vers le fort de S.Hospice, comme certains le supposent. C’est notre opinion  à ce sujet, ce que l’on peut savoir de ce que nous avons exposé dans l’article Frassineto de Saraceni vol VI, pages 885 et suivantes.

Villefranche ne resta pas longuement soumise à la lignée de Charles II comte de Provence, roi de Naples, qui la fonda en 1295. Un lustre plus tard il lui concéda  de notables franchises dont elle tira son nom : puis elle devint sujette de l’auguste maison de Savoie  après que (1388) la ville de Nice et les communautés niçoises se donnèrent spontanément au savoyard comte Amédée VII surnommé le rouge. A ce comte qui décéda le 1er Novembre 1391, succéda son fils qui fut proclamé souverain avec le titre de Amédée VIII sous la régence de Bone de Bourbon qui fut ensuite élevé à la dignité de Duc. Il renouvela les antiques franchises du port de Villefranche qui étaient tombées en désuétude  durant les dissensions avec la maison d’Anjou, et se résolut d’entretenir à ses frais un nombre suffisant de galères  pour la défense du littoral, en demandant en outre aux navires étrangers qu’ils payent un droit de passage comme c’était autrefois établi. Bien que le traité de paix de 1419  avaient aboli toute prétention de la maison d’Anjou sur le comté de Nice, néanmoins le duc Amédée VIII pour mieux affermir ses bases fit négocier avec la reine Yolande le mariage  de sa fille Marguerite avec Louis d’Anjou III, roi de Sicile, de Jérusalem  et comte de Provence. L’auguste épouse vint embarquer au port de Villefranche sur les galères napolitaines, ce qui remplit de joie les habitants  de cette petite cité. C’est pourquoi on crut  que l’alliance entre les deux familles aurait rendu la paix plus stable.

A peine Amédée VIII eut abdiqué la couronne ducale en faveur de son fils aîné Louis, il fut conscient que le doge de Gênes préparait des forces considérables sur terre et sur mer   dans l’intention  d’envahir Villefranche et les autres terres du comté de Nice. Il donna l’ordre le 19 avril 1441 à Lancelotto di Luciaco alors gouverneur de Nice  qu’il mette à l’instant en état de défense  le port de Villefranche, qu’il accélère la construction de navires et qu’il organise bien le château pour prévenir toute surprise ; de telles précautions étaient d’autant plus nécessaires que les corsaires barbaresques recommençaient à infester le littoral ; pendant ce temps l’administration communale de Nice engagea les capitaines de divers navires étrangers, lesquels unis aux galères de Villefranche formèrent un petite flotte capable de freiner l’impétuosité  du doge et  de contenir l’audace des pirates africains et catalans. Deux renégats provençaux, l’un dit Filloto et l’autre Ermondo se montrèrent terribles de hardiesse et avec leurs déprédations continuelles.

Le consul Guglielmo Paoli proposa d’aller les assaillir jusqu’à  la pointe de S. Hospice où ils se tenaient ordinairement retranchés. Après un combat obstiné Ermondo prit la fuite. Filloto resté seul tenta de s’ouvrir un passage à travers la flotte ; il tomba prisonnier et fut conduit au port de Villefranche puis il fut pendu sur ordre du gouverneur au sommet du Mont Boron.

Quand le duc Amédée IX monta sur le trône de Savoie, il désigna aussitôt comme capitaine de mer son conseiller Lamberto Grimaldi lui ordonnant d’activer à toute force la construction des galères pour la garde du port de Villefranche et du littoral du fait que les pirates ne cessaient pas de débarquer sur la côte  et de commettre des délits de toute sorte. Ce duc ayant perdu la vie le 16 avril 1473, son fils aîné Philibert I lui succéda qui n’avait encore que l’âge de six ans  et qui mourut en avril 1482 à Lyon, non sans des soupçons d’empoisonnement.

L’année précédente  la flotte des chevaliers de Rhodes vint faire débarquer à Villefranche le prince Zizimi frère du grand sultan Bajazet, qu’il avait fit prisonnier.

Bien qu’il fût d’abord enfermé au château, il eut cependant une apparence de liberté dont il profita pour converser avec les principaux personnages du pays, envers lesquels il se montra affable et généreux. A peu de temps de là le duc de Savoie, inquiet des immenses préparatifs de guerre que faisait Charles VIII roi de France sur ses frontières, alla prestement à Nice avec un bon nombre de troupes pour mettre la ville et le littoral en état de défense. La république de Gênes s’effarouchant de l’accroissement du commerce maritime  de Nice et Villefranche sous le gouvernement pacifique de Charles I, sans aucune déclaration de guerre fit diriger ses galères contre les vaisseaux savoyards, ce qui irrita les capitaines des bateaux de Villefranche et fit naître de très graves évènements.

Entre temps, les troupes françaises chassées du royaume de Naples et des plaines lombardes, ne purent non plus conserver la cité  de Gênes.

Des émissaires secrets  d’Espagne vinrent exciter le peuple à la révolte et le gouvernement local français tomba sous les coups des séditieux. Des hommes obscurs et avides de butin y proclamèrent au nom de la liberté un gouvernement démagogique qui chassa les familles patriciennes  abandonnant leurs palais au saccage. Ces familles s’étant retirées pour la plupart à Villefranche et à Monaco, les tribuns du peuple  résolurent  d’assiéger ces lieux forts pour  supprimer l’asile aux patriciens gênois. Une flotte qui leva l’ancre du port de Gênes  vint jeter l’épouvante sur les plages de Nice et de Villefranche ; on dut munir de troupes les hauteurs de la Turbie  et en même temps vint en toute hâte d’Antibes un corps de 3000 français ; de sorte que les tribuns désespérant alors de la victoire, levèrent tout de suite le siège, et leurs têtes tombèrent sur le gibet de mort quand le roi Louis XII arriva à la tête d’une  armée importante.

Durant une alternance d’évènements heureux et de mésaventures, le port de Villefranche acquit une grande importance  par suite de sa position intermédiaire, mais cette petite cité fut ravagée le 15 septembre 1516 par un des plus terribles ouragans. Le vent appelé ici Mistral  ruina  presque tous les toits des maisons et aussi les murailles, les arbres et tout  ce qui s’opposait à son impétuosité ; beaucoup périrent misérablement sous les funestes ruines. Les eaux de la mer s’élevèrent à une hauteur surprenante et une quantité de navires de guerre et de commerce appartenant à diverses nations furent engloutis dans le port de Villefranche sous la violence des lames.

Le Duc Charles de Savoie, qui s’était rendu à Nice le 24 avril 1520, en compagnie de son frère Philippe, se rendit peu après en Piémont, ayant été averti de l’imminence d’une guerre. Il s’offrit à se rendre favorable à l’Empereur  et pour mieux obtenir son objectif il conclut le mariage  avec l’infante Béatrice fille d’Emmanuel roi de Portugal et sœur de la femme de Charles Quint. L’infant rallia le port de Villefranche le 29 septembre 1521 ; le duc de Savoie  s’était rendu le jour précédent à l’abbaye de S. Pons avec la fine fleur  de sa noblesse.

Les démonstrations de joie et de respect  envers les augustes époux que manifestèrent les habitants de Villefranche et de Nice ne peuvent se traduire en paroles.

Mais les projets hostiles de François 1er obligèrent le duc de Savoie à repasser les Alpes.

Il repartit de Nice avec son auguste compagne le 8 octobre. Les cœurs des niçois étaient encore heureux de cet aventureux hymen, dont ils espéraient  une meilleure sécurité et tranquillité, quand parmi eux survint la peste qui enleva alors beaucoup de vies à Nice, Villefranche, sur les côtés méditerranéennes de la Ligurie et de la Provence.

Alors le roi de France François 1er chassé du Milanais et contraint d’évacuer la ville de Gênes son ultime place d’armes en Italie, se trouva dans une position si critique  que pour s’assurer la neutralité du duc de Savoie il renonça par un acte stipulé à Lyon le 10 Septembre 1525 aux prétentions qu’il avait peu de temps avant élevées sur Villefranche, sur Nice et sur tout le Comté de Nice.

Cette négociation à peine terminée, quand le connétable de Bourbon, abandonnant les bannières  de France, passa au service de Charles Quint le poussant à entreprendre la conquête de la Provence, se mit  en campagne dans ce but avec une armée formidable. Ayant approché le seigneur de la Fayette  amiral français, et Andrea Doria qui se trouvait alors au service de la France ils prirent le parti de se réfugier  dans le port de Villefranche où sous couvert de soustraire aux impériaux les moyens qu’il auraient pu leur soumettre les navires des chevaliers de S. Jean de Jérusalem, ils désarmèrent deux caraques de la religion et s’emparèrent de l’artillerie qu’il firent transporter à Antibes, ce malgré les protestations des consuls de Nice.

La flotte française continuait à empêcher  les espagnols d’entrer dans le port de Villefranche ; ils s’emparèrent d’un brigantin qui venait de Barcelone et sur lequel se trouvait le Prince d’Orange, porteur de lettres de l‘Empereur au duc de Bourbon. Par cela les français connurent tout le plan de la campagne qui devait s’ouvrir le chemin de la Provence laquelle fut en peu de temps occupée par l’armée  espagnole, mais celle-ci dut ensuite abandonner et perdre toute l’artillerie, un nombre considérable de cavaliers  et presque tous ses bagages à tel point qu’il repassèrent le Var  dans une telle pagaille que les consuls de Nice osèrent leur refuser l’entrée  dans la cité. Les fugitifs prirent la route de la Corniche  après avoir commis toutes sortes de délits, et Ugo di Moncela abandonnant le port de Villefranche mit à la voile pour Gênes avec toute la flotte espagnole. Il s’ensuivit un très grave désordre, tellement que Montmorency, remué par les doléances des consuls se hâta de faire partir pour Villefranche trois mille hommes des plus rapaces  et lui même prit aussitôt la route de la Ligurie avec le reste de son armée, s’inquiétant de la retraite des impériaux.

Un évènement intéressant concerne l’année 1527 ; après que les chevaliers de S.Jean de Jérusalem fussent chassés de  l’île de Rhodes, le Grand Maître Villiers de l’Isle Adam ne cessa de solliciter les princes chrétiens afin qu’ils leur concèdent un nouvel établissement sur les côtes méditerranéennes. Le pape Clément VII intervint auprès  du Duc de Savoie afin qu’il leur donne asile. La Pointe de S. Hospice à peu de distance du port de Villefranche où la religion entretenait constamment un certain nombre de navires armés, pouvait au moyen  de nouvelles fortifications devenir un important rempart contre la puissance des turcs, et offrir toutes les facilités pour la course contre les pirates africains. Les bons offices de la Cour de Rome eurent une issue  tellement favorable  que le 26 septembre 1527 le Duc fit la plus généreuse concession  aux chevaliers de S. Jean de Jérusalem ; à partir de là ils eurent toute faculté de  résider à Villefranche et aussi à Nice sous sa protection spéciale jusqu’à ce que les princes chrétiens eussent récupéré l’île de Rhodes et que la Religion eut obtenu un autre lieu maritime avec obligation dans l’intervalle de défendre le golfe de S.Hospice, et d’armer en course contre les infidèles. Les chevaliers de l’Ordre avec leurs armements s’appliquèrent à tenir constamment éloignés  les pirates africains  de cette plage et comblèrent de bienfaits les populations de Villefranche et de Nice auxquelles durant la disette qui régna en 1528, ils apportèrent d’incessants secours principalement en céréales qu’ils allaient charger sur les côtes de Sicile et du Languedoc.

En Italie la guerre continuait entre Charles Quint et François 1er avec des succès variés, et le Duc de Savoie fut entraîné malgré lui dans cette lutte fatale. Le passage continuel des flottes rivales, leur stationnement à Villefranche, la résolution que prit le célèbre Andrea Doria abandonnant la cause de la France de rallier la cause de l’Empereur, conduisirent à des évènements de grande importance que nous avons relaté par ailleurs.

Charles Quint lors d’un conseil de guerre décida contre l’avis de généraux plus expérimentés de tenter une seconde expédition en Provence, mais cette expédition eut une issue malheureuse. L’Empereur arriva à Nice le 21 juillet 1536 accompagné du Duc de Savoie et de nombreux princes et généraux qui servaient sous ses ordres. Aussitôt que le canon du château  annonça la présence des monarques, la flotte d’Andrea Doria arriva au port de VIllefranche avec quarante galères. Les impériaux campèrent sur les collines  qui s’étendent en arc de cercle  de Cimiez au Var ; les régiments de la Garde occupèrent les faubourgs, et l’intérieur de la villa fut réservé pour loger la Cour et les principaux généraux de l’armée. Alors tous les efforts des négociateurs au congrès de Locate n’ayant pu reconduire la paix, la Cour de Rome proposa sa médiation pour ouvrir une nouvelle conférence. Paul III fit tant que François 1er et Charles Quint cédèrent à ses instances et choisirent la ville de Nice pour aller discuter de leurs intérêts et de leurs prétentions. Le Pape arriva au port de Villefranche le 13 juin 1538 accompagné du Prince Farnèse, qui avait avec lui un bon nombre de soldats ; l’Empereur rejoignit Villefranche presque en même temps et demanda da faire entrer dans Nice un détachement espagnol. Cette difficulté fit naître  de tels inconvénients que les deux souverains très défiants l’un envers l’autre, et les bons offices de Paul III ne réussirent pas  à ce qu’ils arrivent à un entretien pour un arrangement.

Deux curieuses anecdotes se produisirent à Villefranche. La Reine de France, soeur de l’Empereur obtint à force de prières  de François 1er son royal époux  qui l’avait conduite avec lui à Villefranche la faculté d’aller faire deux visites à son auguste frère. A la seconde visite, elle courut le risque de rester la proie des poissons. Charles Quint, résolu à ne pas se loger à terre  séjournait sur la magnifique galère S. Jago ancrée au milieu de la rade. Un pont de bateaux reliait cette galère à la plage.

Au moment où la Reine de France traversait le pont, accompagnée d’une grande escorte de dames et d’un cortège de pages, le pont se rompit sous le poids  et elle tomba à l’eau avec toute son escorte. Par chance, personne ne périt, car les marins de Villefranche se jetèrent de tous côtés à l’eau  et sauvèrent la vie à  ces naufragés illustres.

Une autre fois, selon ce que raconte Casoni, les armées étaient à l’ancre dans le port de Villefranche,  et une multitude de chiournes navales, dispersées dans la campagne et sur les collines qui entouraient le port   se trouvaient oisifs  en vue de la mer.

Il sembla à certains de voir des nuages de fumée d’une maison, qui semblaient peu à peu s’élever et croître. Croyant que c’était le signe que l’armée  turque arrivait, ils en propagèrent d’un trait la rumeur. Averti de ces choses, Andrea Doria  ordonna de lever l’ancre,  et il fit embarquer en toute hâte  et confusion les marins et les soldats, il partit en mer  en demandant aux brigantins de rapporter l’information  sur le nombre et l‘ordonnance des ennemis. Mais les courtisans qui étaient à terre épouvantés par cet insolite péril, coururent aux armes et mirent sans dessous les logements; d’autres s’enfuirent par les collines et les mauvais sentiers des Alpes, d’autres coururent en désordre pour défendre les Princes. Quand soudain la crainte se transforma en rigolade, car les brigantins  de retour  rapportèrent  que la mer était claire, on comprit qu’un paysan  faisant cribler des fèves était à l’origine de la chose.

 Le 5 août 1543, la flotte réunie des turcs et des français, au nombre de six cents voiles, parut devant Nice  se dirigeant vers le port de Villefranche trop faible pour lutter contre des forces aussi considérables. Andrea Doria n’opposa aucune résistance. Barberousse voyant que ses cruelles intimations aux Niçois étaient vaines, ordonna à un corps de turcs d’occuper les hauteurs  du Mont Boron et du Mont Gros. Le dixième jour de ce mois  d’août, une division de galères  sortit de Villefranche et alla débarquer quelques pièces d’artillerie  dans un quartier près de Nice où il installa une batterie, puis intervinrent divers faits d’armes, dans l’un desquels un jeune officier d’artillerie neveu de Barberousse qui lui était extrêmement cher perdit la vie. Le Duc d’Enghien alla lui-même à Villefranche  afin que Barberousse  qui s’y trouvait approuvât une capitulation; il y consentit avec beaucoup de mauvaise grâce. Le matin du 11 septembre on vit apparaître à hauteur de Villefranche les galères d’Andrea Doria qui portaient les  gros bagages et l’artillerie avec également un corps de réserve  de six vaisseaux impériaux ; mais déjà le Duc d’Enghien  après divers faits d’armes  s’était retiré en Provence. Barberousse et les capitaines qui suivaient son destin, quittant le port de Villefranche, tâchèrent  de s’approcher des îles S.Marguerite. Il est impossible d’exprimer la joie des niçois  quand ils virent le souverain libérateur à la tête de l’armée impériale.

Aussitôt après le départ de la flotte turque vers les mers du levant, l’administration communale pourvut  aux plus urgents besoins de la population ; et en même temps le Duc de Savoie fit frapper une médaille pour éterniser le souvenir  du fameux siège de Nice et la gloire de ses défenseurs. Finalement après la fameuse bataille de Cerisoles qui eut lieu le 14 avril 1544 (voir vol IV page 401 et suivantes), les deux souverains rivaux  se montrèrent plus dociles aux instances du Pape  et signèrent le traité de Crépy qui  mena à la paix en Europe.

La mort de François 1er survenue  en 1547  parut consolider encore mieux les bénéfices de la paix, mais son successeur Henri II fut confronté aux troubles terribles de la guerre civile  suscitée par le fanatisme religieux. Il ne faut pas s’étonner si le Duc de Savoie prévoyant qu’une prochaine guerre allait éclater, prit tout de suite  les précautions que demandaient les circonstances. Il ordonna donc de mettre en état de défense non seulement le château de Nice mais toutes les côtes du Comté ; et il est vrai, que Henri II  renouvelant l’action honteuse de son père conclut une seconde alliance avec les turcs. Emmanuel Philibert  qui perdit son père Charles le Bon le 18 septembre 1553, pendant qu’il commandait l’armée impériale en France, vit que tout le Piémont et la Savoie  étaient entièrement envahis par les français, et se rendit compte combien le Comté de Nice était menacé d’une invasion imminente ; mais confiant dans son courage, il conçut l’espoir de récupérer ses domaines ancestraux, et s’embarquant du port de Marseille avec son auguste épouse  Marguerite de Valois,  s’en vint à Nice en janvier 1560. Arrivé là,  sans atermoyer, il s’occupa de protéger  toujours plus le commerce, et spécialement à fermer l’entrée du port de Villefranche  aux flottes ennemies, et il ordonna la construction de nouveaux remparts destinés à rendre plus difficiles les approches. Les forts de S. Hospice, de Villefranche,  et du Mont Alban accrurent l’importance du château de Nice; ne se contentant pas  de fortifier le littoral maritime, le Duc de Savoie se montra prompt à promouvoir  la prospérité commerciale et l’industrie publique ; il augmenta considérablement sa marine ; il fit réparer les chantiers de construction, il ordonna le creusement à Villefranche du bassin nommé le darse, fixant à quatre le nombre de galères permanentes, destinées à protéger  de tels établissements ; il confirma les antiques privilèges du port de Villefranche ; il offrit asile protection  et entière liberté à tous les bâtiments de commerce, chargeant le capitaine général  des galères ancrées  dans ce port de courir sus aux navires  qui chercheraient à éviter l’antique droit de transit, qui du fait des  tristes évènements, depuis longtemps étaient tombés en désuétude.

Pendant ce temps, la Cour de Rome, voyant que les plaies se cicatrisaient en Europe, chercha à élever une barrière  contre l’affreuse ambition du sultan Soliman II  qui nourrissait une haine implacable  contre les chrétiens. Le Roi d’Espagne Philippe II   fut le premier à seconder les justes desseins du Pontife romain. Le duc de Savoie voulut  également  avoir part à l’expédition projetée contre les turcs ; il ordonna à son amiral Andrea Provana d’accélérer les constructions  des chantiers de Villefranche, et il eut rapidement à sa disposition  un certain nombre de navires parfaitement armés.

Nous avons déjà parlé de la part  que prit Provana aux triomphes remportés par les flottes chrétiennes contre l’armée turque dans l’article Leyni où a été donnée la biographie du célèbre amiral.

Pendant que  le duc de Savoie  s’occupait des préparatifs  de cette expédition,  qui réussit  glorieusement  aux chrétiens, un très grand désastre  apporta la désolation aux habitants de Villefranche et de tout le Comté de Nice.

Le soir du 29 juillet 1564, ils furent épouvantés par un horrible tremblement de terre ; de violentes secousses se succédèrent épisodiquement jusqu’au début Août et détruisirent beaucoup de maisons et d’édifices publics ; la population entière abandonna ses foyers pour chercher asile en pleine campagne. Le port de Villefranche s’abaissa notablement. Les effets  d’un aussi épouvantable tremblement de terre par lequel les sources de plusieurs sources qui allaient dans la direction de sud est à nord est  devinrent soudain chaudes et sulfureuses, furent l’objet d’observations par des physiciens renommés du XVIème siècle qui laissèrent sur celles ci leurs doctes observations.

A peine Emmanuel Philibert fut averti d’une tel désastre qu’il s’apprêta à le réparer, et confia la distribution de ses bienfaits  au zèle de Tommaso Valperga, qui était alors gouverneur du château de Nice. Quand Andrea Provana  après la déconfiture des turcs retourna au port de Villefranche, Honoré Grimaldi baron de Beuil gouvernait tout le Comté de Nice  en qualité de lieutenant général ; la prudence et la fermeté d’âme  de ce personnage célèbre  suffirent à maintenir  tranquilles les esprits  des habitants de Villefranche et de Nice  malgré le feu de la guerre civile  qui dévorait la Provence et les plus belles contrées de France. L’inexpérience  de Charles IX  ne sut contenir le torrent de l’hérésie, et l’histoire  lui reprochera la fameuse nuit de la Saint Barthélemy.

A l’opposé, Emmanuel Philibert bien que le souffle vénéneux de l’hérésie ait déjà pénétré  dans quelques provinces  de ses Etats, combattit l’erreur avec sagesse  et avec la modération  dont il se prévalait pour reconduire les égarés sur le bon chemin. Il convoqua dans la ville de Nice (avril 1575) l’ordre des chevaliers des SS Maurice et Lazare ; et il prit d’autres dispositions, il ordonna la construction de deux nouvelles galères à maintenir constamment à Villefranche aux frais du Magistère de l’Ordre et il donna le commandement au seigneur de Leyni.

L’établissement de Villefranche était devenu l’objet de tous ses soins, mais deux années plus tard, une horrible tempête  ruina tout. La mer s’éleva à une hauteur prodigieuse, les vagues furieusement accumulées menacèrent d’engloutir les rives ; plusieurs navires du Duc  et diverses galères espagnoles furent engloutis dans le port ; une partie du môle fut renversée ; les chantiers ne furent plus que des débris, ce fut une chose admirable  de voir comme la sollicitude du Duc permit de réparer toutes les ruines en peu de mois.

Dans les premières années du XVIIème siècle le Duc de Savoie Charles Emmanuel Ier permit avec confiance de conserver la tranquillité de ses Etats, quand Philippe III donna l’ordre de mouvements hostiles contre le Duc

Par chance un corsaire de Villefranche surprit en mer  le courrier d’Espagne qui transportait le courrier d’Espagne à D.Pedro de Tolède, ce qui révéla à Charles Emmanuel tout le plan de campagne ; cela lui permit  de prendre les précautions opportunes. Ce Duc malgré ses occupations guerrières  trouva moyen de promouvoir avec un zèle admirable l’industrie et la prospérité  commerciale de ses possessions maritimes. Ce fut à son honneur  de créer le port franc sur l’escale de Nice  Villefranche et S.Hospice ; il remit en vigueur le droit de transit et favorisa les armements de guerre et de commerce. L’établissement du port franc  procura des avantages  considérables non seulement au commerce maritime de Nice et de Villefranche mais aussi aux Etats de la Maison de Savoie, favorisant l’échange des productions du Piémont avec les objets des manufactures étrangères; et il associa notre nation entière aux gains des autres peuples.

Le traité des Pyrénées signé le 7 novembre 1639 mit un terme aux luttes furieuses  qui avaient coûté aux peuples d’Italie tant de sang et de larmes. La mer étant devenue libre, les principaux négociants de Nice et de Villefranche projetèrent d’ouvrir avec le port d’Alexandrie d’Egypte leurs antiques relations commerciales. Antoine Risso proposa  d’y envoyer un gros vaisseau  chargé de marchandises indigènes. La Cour de Turin fut aussitôt favorable à cette entreprise. Le vaisseau à qui on donna le nom de Cristina leva l’ancre du port de Villefranche le 4 mai 1660, et retourna six mois plus tard  richement chargé  de marchandise du Levant ; les bénéfices de la vente dépassèrent les espérances des actionnaire. Au printemps  1666 Charles Emmanuel fut heureux de la naissance de son fils à qui il donna le nom de Victor Amédée ; L’année suivante commença une nouvelle guerre entre la France et l’Espagne, mais la Cour de Rome s’interposa dans une médiation  et le traité d’Aix la Chapelle  signé le 2 mai 1668  permit de déposer les armes. Durant cette ultime lutte  qui survint loin d’Italie, Nice et Villefranche  purent s’occuper entièrement de leur propre commerce et  trouvèrent sous le patronage de leur souverain les moyens d’accroître leur propre prospérité. Sinon, le duc de Savoie fatigué des prétentions de la République de Gênes lui déclara la guerre  et expédia dans le Comté de Nice  D.Antoine de Savoie en qualité de lieutenant général avec des régiments de Nice, de Savoie, et mille cinq cents  suisses ; ces troupes à qui s’unirent dix mille compagnies de milices volontaires, formèrent un corps d’armée dont le marquis de S. Damiano  eut le commandement en second sous les ordres de D.Antoine. Les évènements de cette lutte nous furent expliqués dans la Storia di Genova.

Disons seulement ici  que le Roi de France se constitua  comme arbitre pour la paix qui fut signée le 18 janvier 1675. Durant cette guerre Nice et Villefranche durent se soumettre à des sacrifices ruineux, mais ils en furent amplement indemnisés par l’article trois du traité  qui rétablit la liberté des mers et les relations commerciales. Charles Emmanuel II  renouvela alors la concession du port franc  aux navigateurs qui fréquentaient les ports  de Nice et de Villefranche, et pendant qu’il  s’occupait avec beaucoup de sollicitude  à rendre toujours meilleure la condition de tous les siens il mourut el 18 janvier 1675.

Victor Amédée II lui succéda qui  avait à peine l’âge de neuf ans. A la sortie de la tutelle il prit aussitôt les rennes du gouvernement et ne tarda pas à manifester  une énergie et une fermeté d’âme dont personne ne l’aurait crû capable, et ses dons lui servirent grandement  car depuis longtemps le Roi de France considérait le Piémont comme une province française. Le Duc de Savoie  qui s’était avisé de cela  se montra  dans certaines choses condescendant avec ce Roi, mais quand il jugea que c’était impossible d’éviter la guerre il se mit en chemin vers le Comté de Nice en compagnie de la Duchesse, du Prince Philibert de Carignan, de deux Princesses et d’une Cour brillante; car il voulait personnellement s’assurer en cas d’invasion des moyens de défense de Nice et de Villefranche, et exciter par sa présence l’amour des habitants. La guerre éclata. Le sieur de Catinat, qui avait la supervision des terres alpines  tenta en 1691 de s’emparer du château de Nice, pendant que le Comte d’Estrées  menaçait le port de Villefranche et le golfe de S.Hospice. Le matin du 15 mars de cette année le gros de l’armée française s’avança, et se posta sur les collines de Cimiez. Le lendemain les troupes  françaises se mirent en mouvement ; en peu de jours elles occupèrent des positions avantageuses et s’emparèrent des forts de Villefranche, Mont Alban et de S.Hospice ; mais après les hauts et les bas de quelques épisodes guerriers  Victor Amédée qui craignait aussi l’ambition de l’Espagne et de l’Autriche, se résolut à conclure une paix séparée qui fut signée à Turin le 29 août 1696.

Entre temps pour conserver l’assistance du Duc de Savoie, le Duc d’Anjou,  avec l’assentiment du Roi de France, demanda en mariage la Princesse Marie  Louise Gabrielle fille de Victor Amédée ; et ce mariage consolida le droit éventuel de succession, que notre Duc avait acquis  en vertu du testament de Charles II.

La  jeune épouse partit de Turin au début Septembre avec un brillant cortège ; elle arriva à Nice le soir du 18 du même mois ; elle y reçut un accueil splendide, et le 30 elle s’embarqua dans le port de Villefranche sur la flotte espagnole, napolitaine et française qui venait d’arriver pour la transporter à Barcelone. A l’allégresse  qu’avait inspiré le séjour de la Reine d’Espagne devaient bientôt succéder de très graves désastres.

L’Angleterre, La Hollande et l’Autriche s’armèrent contre Louis d’Anjou et contre la France.

Catinat à la tête de cinquante mille hommes  pénétra en Piémont eu printemps 1701 et ne laissa pas au Duc de Savoie la liberté du choix. En compensation de  sa coopération,  qui devenait importante, il lui donna le titre de généralissime des armées françaises, mais pendant cette guerre le Duc de Savoie  avait des motifs très graves de se montrer indigné des procédés de Louis XIV envers lui. Il publia un manifeste proclamant son alliance avec l’Autriche, il appela aux armes tous ses fidèles.

Mais peu après le haut Comté de Nice fut conquis par une forte colonne de troupes françaises. Durant l’hiver et le printemps 1707 on fit de grands préparatifs de guerre ; mais bientôt Villefranche, Nice  et aussi tout le Comté furent occupés par les français.

Dans la nuit du 13 février 1709 un gel extraordinaire  fit périr dans le district de Villefranche et dans d’autres parties du Comté toutes les plantes fruitières et aussi les arbres qui résistent  dans les régions froides du nord ; par suite de ce désastre  on  éprouva bientôt le manque des aliments les plus indispensables à la vie ; beaucoup de personnes moururent de faim, et sans la générosité d’un vertueux ennemi, Villefranche et Nice auraient été entièrement dépouillés. Le marquis de Mont-Georges fit venir une grande quantité de céréales  des ports du Languedoc. Il voulut que pendant tout l’hiver on distribue  aux habitants le pain ainsi qu’aux soldats qui étaient sous ses ordres.

Par le traité d’Utrecht Victor Amédée reçut le Royaume de Sicile et le Comté de Nice fut entièrement évacué  par les troupes françaises. Le port de Villefranche accueillit une division de la flotte anglaise destinée à  transporter à Palerme Victor Amédée  où il devait recevoir la couronne de ce royaume ; mais la paix ainsi souscrite le 16 janvier 1720 donna le royaume de Naples et de Sicile à Charles IV  empereur  et celui de Sardaigne à Victor Amédée, lequel pendant que l’Europe  connaissait une période de calme  abdiqua le pouvoir suprême en faveur de son fils Charles Emmanuel III. Sous le règne de Victor Amédée la Cour d’Espagne et le Chambre de Commerce de Marseille renouvelèrent le droit de péage de Villefranche, pour six années et moyennant  de substantielles sommes d’argent. Le port de Villefranche avec tous ses privilèges   redoubla l’activité des échanges avec l’extérieur  et l’on vit alors la fortune  publique  s’élever au niveau de la prospérité de l’Etat.

 La mort de l’Empereur Charles VI survenue le 15 octobre 1740, troubla le repos qui fut bref pour la félicité des peuples. Même si la France n’avait pas encore effectivement déclaré la guerre  au Roi de Sardaigne, néanmoins le Roi Charles Emmanuel ne voulant pas être surpris fit partir aussitôt de Nice (1742) un corps de six mille sous les ordres du Marquis de Suze.

La guerre éclata. Le comté de Nice fut envahi par les français ; mais Charles Emmanuel leur abandonna les châteaux de Mont Alban de Villefranche et de Vintimille.  A ce moment était arrivée la saison des pluies ; la fatigue de l’une et l’autre armée fit apparaître qu’il fallait suspendre les hostilités jusqu’au Printemps ; déjà s’élevait une voix consolante qui annonçait des tentatives de paix, quand à un moment les sommités du cabinet français ou plutôt un caprice de Madame de Pompadour rallumèrent l’ardeur belliqueuse des généraux français. L’Espagne suivant cet élan glorieux envoya  trois millions de piastres fortes dans le port de Villefranche et de grandes provisions de toutes sortes. Les hostilités commencèrent et un conflit général  semblait imminent, quand un courrier du  cabinet arrivé à Nice apporta l’heureuse nouvelle  que les conférences pour la paix s’étaient ouvertes à Aix la Chapelle, et  qu’en attendant ses résultats il y aurait une suspension d’armes  et  qu’en vérité parmi d’autres choses on établit que durant l’armistice il y aurait entière liberté de commerce   dans les ports de Villefranche Menton et Nice, et qu’y seraient  admis les navires de commerce de toutes les nations. Ainsi Nice et Villefranche se trouvèrent bientôt  très animées non seulement par la présence des troupes mais même par l’affluence d’une multitude d’officiers supérieurs anglais autrichiens et piémontais qui profitaient de la liberté des communications. Après le traité d’Aix la Chapelle  ce fut presque un demi siècle  de prospérité pour les niçois. Charles Emmanuel avide d’attirer  dans les ports de Nice et Villefranche  des négociants extérieurs,  renouvela les concessions du port franc  et les progrès de la navigation y accrurent  et perfectionnèrent les constructions navales. Un édit du 26 mars 1626 y avait déjà institué  un consulat de mer dont la juridiction  en matière commerciale égalait celle du sénat pour les causes civiles et criminelles ; l’expérience de plus d’un siècle  démontra la nécessité  d’une nouvelle organisation ; par décret du 15 juillet 1750 ce comité fut composé d’un président choisi  parmi les sénateurs les plus anciens, de quatre juges, deux pris dans la classe des jurisconsultes,  deux autres pris dans la classe des négociants et d’un procureur général de commerce.

En cette année même le Roi vendit à une compagnie de commerçants la gabelle du droit de passage  de Villefranche pour un prix convenu et pour trois ans. Les directeurs de la compagnie s’obligèrent à maintenir à leurs frais un bâtiment armé pour poursuivre les navires étrangers qui refusaient de payer ce droit. Le gouvernement de son côté  promit  de les assister au besoin par la force, et leur dédia la faculté  d’établir des agents à Marseille Gênes et Livourne, et ainsi ils suivirent les transactions particulières avec les négociants de ces villes maritimes  pour s’affranchir de tout obstacle. Charles Emmanuel ne cessait  de promouvoir et de protéger le commerce de Nice et de Villefanche, quand il fut sur le point de cesser sa carrière terrestre, ses forces s’étant consumées dans la méditation et le travail. Il mourut à Turin le 20 février 1775 à la suite d’une hydropisie de poitrine. Victor Amédée III qui lui succéda  dépensa  des sommes considérables  au bénéfice du commerce et de l’agriculture, et les habitants de Nice et Villefranche éprouvèrent les bienfaits de sa munificence ; mais par suite des funestes évènements  qui survinrent alors en France, les émigrés du Languedoc  et de Provence se réfugièrent en grand nombre à Nice et Villefranche, et y furent accueillis avec une sincère hospitalité. Ils espéraient que l’horrible nuage  ne serait que passager, quand on sut la terrible nouvelle que l’assemblée législative avait déclaré la guerre à l’Empereur, et que le général d’Anselme réunissait une armée en Provence pour fondre sur le Comté de Nice, et qu’il armait une escadre à Toulon sous les ordres du Contre Amiral Truguet, dans le même but.

Victor Amédée  au printemps 1792  commença à expédier  quelques troupes dans le bas Comté de Nice, lesquelles se renforcèrent par l’arrivée d’autres régiments et formèrent une armée d’environ  dix mille hommes  pourvus de six pièces de canon de campagne et de tout le matériel nécessaire. Elles furent confiées au chevalier de Curten  major général et comme il montra quelque répugnance  à recevoir seul une charge si importante, on lui adjoignit pour guide  et pour conseiller le Comte Pinto en qualité de quartier maître général. Il s’occupa aussitôt de mettre en bon état de défense les châteaux de Mont Alban et de Villefranche, et prit les autres dispositions requises par les circonstances ; en même temps toutes les milices du Comté prirent les armes et formèrent  des compagnies séparées, deux dans chaque mandement. Mais tout ceci fut vain. A l’arrivée des troupes ennemies, l’armée subalpine se mit à fuir comme si elle avait dans les flancs l’épée  des républicains français ; et ce fut vraiment étonnant que ceci arriva alors que le général d’Anselme n’avait fait encore aucun mouvement pour passer le Var.

A peine les troupes françaises  entrèrent dans Nice, leur général d’Anselme pensa s’emparer des forts  de Mont Alban et Villefanche qui capitulèrent à la première sommation. L’escadre française entra dans le port de Villefranche, et avec le contre amiral Truguet ils concertèrent leur plan d’offensive et ne tardèrent pas à l’exécuter. A partir de cette époque la ville de Villefranche  suivit les vicissitudes du chef lieu de province, que nous avons raconté dans  Storia di Nizza vol XI.

 

Villefranche fut érigée en fief comtal en faveur des Germani de Peillon qui passa aux Dani de Nice.

Villefranche  est la patrie de certains  hommes dignes de mémoire

Arnaldo Pietro Antonio, qui dans certaines de ces compositions  fit montre d’une abondante et facile veine, non dépourvue d’une certaine élégance de style ; à sa plume on doit :

La gloria vestita a lullo per la morte dell’ A.R. di Carlo Emanuele II duca di Savoja ec. Turin par Bartolommeo Zappata 1676 in 4

Honorato II principi Monacaeo, Valentino duci. Franciae pari magno equiti sancti Spiritus etc poeticae gratulationes. Mediolani apud Philippum Ghisalphum in 4

Il Giardino del Piemonte oggi vivente nell’ anno 1673, diviso in principi, dame, prelati, abati, cavalieri, ministri ec. par Bartolommeo Zapatta, 11683 in 8 piccolo

La grazia difesa di Antonio Arnaldo. Consulto poetico all’A.R di Carlo Emanuele II. Codice cartaceo della biblioteca della R. Universita di Torino.

Le grandezze e la gloria della R.Cas di Savoja. Oda lirica di Pietro Antonio Arnaldo all’A.R di Carlo Emanuele II. Codice cartaceo del XVII secoclo della R. Universita di Torino.

Per faustissima toti orbi terrarum Sanctissimi D.nostri Alexandri VII pontif. Max. inauguratione ad solium Vaticanum. Milano 1656 Dionigi Gariboldi

Il trigiglio celeste in lode dei Nomi sancti di Gesu, di Maria et di Giuseppe. Milano 1653. Giulio Cesare Malatesta.

Elogia in laudem episcopi niciensis.Milano  1658

Barbero Gioanni Stefano, carmélite.  Cet écrivain a publié la Difesa  del P.Bobbio carmelitano contra fra Paolo

Cette défense fut publiée à Rome en 1607 parmi d’autres écrits sortis à l’occasion de l’interdit de Venise.

Giacob Napolione, Il a écrit les oeuvres suivantes : Horarum subseccivarum, sive luuum poeticorum promulsis ad R. et Cl. Virum. P.F.Angelicum Aprosium ex ordine eremitarum D.Augustini congreg. Consol. Genue exvicarium generalem et Aprosiavni atehnai fundatorum MS.

Camanes Pietro, professeur de médecine et de chirurgie a écrit : Commentarii in duos libros artis curatoriae Galeni ad Glauconem, Valentiae 1625 in 4

Audiberti Giuseppe fut l’élève du collège provincial. Ayant bénéficié des faveurs royales  il alla écouter les leçons  des plus savants professeurs de médecine et de chirurgie de Paris et  de Londres. Retourné dans sa patrie il s’appliqua  particulièrement  à l’obstétrique, à laquelle il dit ensuite adieu quand il fut nommé ensuite  docteur en médecine à l’université de Cagliari. Il suivit le Roi de Sardaigne dans sa funeste émigration vers cette île ; il fut ensuite élevé à la dignité de Comte et élu premier médecin des LL.MM  et médecin général  de l’armée royale, professeur honoraire, vice président de l’académie royale des sciences, chef de la maîtrise  de protomédicat,  et comme tel membre du Magistère de santé et directeur général des vaccinations , et sociétaire du collège de médecine ; Il traduisit en français le traité des maladies vénériennes de l’anglais Hunter. Paris 1787.  Il mourut à Turin le 18 octobre 1826. Le professeur Martini lui dédia en 1824 ses Elementi di polizia medica

 

 Note: Casalis a repris partiellement le texte de Roubaudi () page 89

Bibliographie

 

Dizionario geografico storico statistico commerciale compilato per cura del Professore e Dottore di Belle Lettere

Gioffredo Casalis Cavaliere dell’ordine de SS Maurizio e Lazzaro

Opera molto utile agli impiegati nei pubblici e private uffizi a tutte le persone applicate al foro alla milizia al commercio e singolarmente agli amatori delle cose patrie

Bibliothèque municipale de Nice

Tome XXV B 1860 Torino 1854

Roubaudi Louis – Nice et ses environs – 1843 Paris Turin – consultable sur Internet