Saint Etienne de Tinée 06660 selon le Dictionnaire de G.Casalis

                                                                    Mise à jour décembre 2014

 

On peut remarquer la diversité des unités de mesure employées dans ce texte

 

Traduction du texte.

 

« S.Stefano di Tinea (Sancti Stefani ad Tinea) – Chef-lieu de mandement, province, diocèse de Nice Maritime. Dépend du Sénat, Intendance Générale, Préfecture Hypothèques de Nice. Possède les offices d’Insinuation et de Poste.

Se trouve au nord de Nice à une distance de 27 heures.

Elle est située sur un plateau  près du confluent de l’Ardon et de la Tinée, à droite de cet impétueux torrent   à 44°15’0 sec de latitude, et 4°33’ 32 sec  de longitude (note : méridien de Paris), à 1175 m au-dessus du niveau de la mer (note : 44°15’28 N, 6°55’31 E, 1142m coordonnées actuelles suivant méridien de Greenwich)

Lui sont annexés deux villages qu’on appelle ici « Massaggi », C’est à dire la Roja et il Blacio (Note : Roya et la Blache). Le premier se trouve à 3 heures du chef-lieu et compte 300 âmes, et possède une église succursale sous l’invocation de SS.Marie ; l’autre est également distant de 3 heures et possède un oratoire public sous l’invocation de S.Joseph

Le mandement dont Saint Etienne de Tinée est le chef-lieu est tout entier compris dans la haute vallée de la Tinée. Au nord il confine avec la longue bordure des Alpes Maritimes  compris entre la pointe de l’Enchastraye et la cime du Mercatourn, qui le sépare de la Division de Cuneo ; à l’est, il confine avec le mandement de Lantosque ; au midi avec celui de Guillaumes et de Villars sur Var, et à l’ouest avec la France. Il se compose de  six Communes : Saint Etienne de Tinée, Saint Dalmas de Selvage, Isola, Saint Sauveur, Roure, Roubion.

La vallée qui porte le nom de Saint Etienne a quatre lieues de longueur depuis le village du Prat  jusqu‘à Isola. On passe par la droite de cette vallée  en Provence par les cols de la Montiera de l’Escusier, et puis du col de Sanguinières

Les cols   de gauche se nomment Poriacca, du Fer, de Barbacane, de Portisciola et un que l’on nomme Alta. Ces cols conduisent tous vers la vallée de la Stura comme celui de Mercurio qui mène  à Sainte Anne, celui de Fremmamorte qui mène à Antrègues, le col de Finestre, et le col de Tende  qui conduit à la vallée de Limone.

Sur une hauteur  distante d’un quart d’heure, au sud de Saint Etienne se trouvait un château que l’on nomme encore Crocia-Castel ; il était très bien fortifié, on en voit encore les vestiges : le village outre qu’il était défendu par ce rocher était clos par de grosses murailles qui sont tombées en ruine. La situation de ce château a été jugée importante par les troupes françaises pendant la guerre de 1744 et c’est pourquoi ils y tinrent un corps de garde.

Une route qui dans les temps anciens était simplement communale, et fut déclarée provinciale après le retour des Rois de Savoie dans leurs Etats de terre ferme, conduit du côté oriental à Demonte, vers le sud à la Commune d’Isola, et puis à la ville de Nice. Une autre voie vers l’ouest mène à Guillaumes et Colmars et vers le nord à S.Dalmas de Selvage et delà à Barcelonnette.

L’habitat de S.Etienne est distant de quatre miles de S.Dalmas (de Selvage), huit d’Isola. D’Isola à Nice on compte quarante miles.

Le fleuve Tinée passe sur le côté Est et Nord de la commune. Il nait sur le mont Cianfredo dit aussi Tinergos près de la frontière française sur la commune de S. Dalmas. Il baigne Isola et S. Sauveur et se jette dans le Var près de S. Martin. Près d’Isola on le franchit sur un pont en pierre de taille construit en 1809. Près de S. Dalmas on le traverse aussi par un pont en pierre reconstruit en 1774. Avant cette époque il avait été détruit par les gallispans en 1744 ; ce pont est remarquable par sa hauteur de deux cents palmes et par deux rochers qui servent de base à l’arc.

La Tinée contient des poissons d’excellente qualité. Le village  sur le côté occidental est longé par le torrent Ardon qui se jette un peu plus loin dans la Tinée. On le traverse par un beau pont en bois. Le territoire est évidemment baigné par les eaux de ces deux ruisseaux qui descendent des Alpes vers le Piémont (erreur à moins d’entendre piémont des montagnes). Ils servent à fertiliser les campagnes qui se trouvent sur la rive gauche de la Tinée. Il y a encore un torrent qui provient des monts del Vallone et du pays de Rosa. On le traverse au moyen d’un pont en bois. Il se jette aussi dans la Tinée. Il existe onze lacs, quatre de ceux-ci  se trouvent près de la source du ruisseau de Vens ; la circonférence des deux est d’une demi-heure et d’un quart d’heure celle des deux autres ; cinq se trouvent près du ruisseau Tenibres deux près de celui du Clai. Ils ne contiennent pas de poissons. Le plus grand est de plus d’une heure de circonférence. Ils seraient tous navigables s’il y avait des barques. Les alentours sont agréables pendant la saison estivale.

Sur la rive gauche du fleuve Tinée, s’élèvent les Alpes qui séparent S.Etienne du Piémont ; durant six mois de l’année elles sont couvertes de neige ; les chasseurs y trouvent des chamois et des marmottes ; elles présentent des rochers inaccessibles et aussi de très bons pacages ; sur le col dit la Bunga a été établi un camp  avec des baraquements et des tranchées par les troupes piémontaises.

Sur la rive droite et à quatre heures de marche  se trouve le fameux Mont Mounier. On voit la mer depuis le sommet.

 Le pays est aussi entouré de sommets très élevés du côté d’Entraunes, où l’on trouve des marmottes et des chèvres sauvages.

Les plantes qui poussent le mieux sont les mélèzes et les sapins qui sont utilisés pour les constructions des bâtiments.

Les principaux produits du terroir sont les divers bestiaux. Les habitants se servent de la laine pour faire des étoffes dont ils se vêtent eux-mêmes. Le commerce de la laine en surplus se fait avec divers endroits de la province de Nice, et avec Barcelonnette.

Souvent les bovins sont sujets à l’épizootie.  La sauvagine est abondante.

Il y a ici du gneiss porphyroide en couches étendues près du schiste micacé quartzieux  en tuiles. Il s’étend dans une zone  de l’ouest à l’est du site dénommé Pra au-dessus de S. Etienne et qui suit la gauche de la Tinée  jusqu’à S. Sauveur et aussi à La Bollène, Villars,  S. Martin Lantosque  au vallon de Berthemont au vallon de Vallauria à Tende et au col del Pal sur le côté sud-ouest. Près du village de S. Etienne on trouve de la sienite

L’église paroissiale est dédiée à S. Etienne et S. François de Sales ; elle a trois nefs et a été construite par un certain Spinette de Nice entre 1785 et 1789 ; elle est desservie par trente ecclésiastiques, le curé a le titre de vicaire « foraneo » et est assisté par deux vicaires. Dans l’enceinte de l’habitat existent deux belles chapelles de confraternités une dite des gonfalons, et l’autre de la Miséricorde ; dans la région d’Auron on peut voir un antique sanctuaire  avec une grande annexe qui fut propriété des templiers.

Il y a l’église  succursale du hameau de Roya ; six chapelles rurales existent sur ce territoire  où dans les jours de fête, on célèbre les divins mystères. Il y avait un couvent de Trinitaires  qui fut supprimé par les français qui s’emparèrent de leurs biens. On y officie comme sanctuaire à moins de dix minutes de l’habitat. En 1750 il y avait un monastère de moines teresiani qui a été supprimé.

La maison communale est belle, mitoyenne de l’office d’Insinuation avec un agréable atrium sur la grande place. Le local de l’école publique situé derrière l’église paroissiale est très remarquable ; on y enseigne à plus de deux cent cinquante jeunes les premiers éléments de lecture et d’écriture, la grammaire, les humanités  et la rhétorique. Il y a six enseignants payés en partie par la Commune, en partie par le moyen du « minerval » et  de quelques revenus provenant de legs particuliers.

Le presbytère, maison paroissiale  est vaste commode et élégant. Outre le tribunal et l’office d’Insinuation, qui existe ici depuis plus de deux siècles, il y a un office des douanes, et  un autre des gabelles royales.

Il y a annuellement six foires, la première le 20 mai, la seconde le 25 juin, la troisième le 24 aout, la quatrième les 6 et 7 octobre, la cinquième le 2 novembre et la dernière le 15 du même mois. Elles sont toutes très fréquentées par les habitants des pays voisins, des négociants des vallées de la Stura, de Maira, sans compter ceux d’Entraunes et de Barcelonnette.

Poids et mesures de Nice : les monnaies  des Etats Royaux et de France ont également cours.

La station de carabiniers qui se trouvait à S. Etienne a été déplacée à Isola, mais peut-être elle serait en ce moment déplacée de nouveau dans ce chef-lieu de mandement.

Présentement y résident un chef de garde, un garde champêtre, un receveur, un commissaire aux douanes et une brigade de préposés.

Les habitants sont de complexion vigoureuse, de mentalité ouverte et d’un naturel pacifique ; ils aiment tous se vêtir correctement.

 

Notice historique

 

Ce célèbre village qui était capitale du Comté de Tinée, était beaucoup plus important que ce qu’il est actuellement, en partie grâce à son château, en partie grâce à ses fortifications, et pour le nombre de sa population, pour son commerce florissant et même pour l’auguste église édifiée en l’honneur du saint dont il prit le nom :S.Stephani Tinaensis castrum, frequentissimum populo oppidum, atque a Tinea fluvio appellatum…mercimonio celebre, nundinarumquen conventu ; templum sui nominis S.Stephani scilicet antiquitate venerandum colit. (Nicea Ciivitaas p.45 n28).

La première référence sur le Comté de Tinée est notée dans une sentence de l’an 811, trouvée dans les archives  de l’abbaye de S.Pons dans le diocèse de Nice. La note de la sentence est : regnante domno Karolo anno trigesimo octavo (511) in Dei nomine amen….

Le texte de cette note est en grande partie illisible : parmi les mots  qu’on peut encore lire, il y a : resedisset in judicio in curia villa Sancto Stefani hujus comitatus Tiniensis

Dans un autre document également retrouvé dans les Archives de S.Pons  est nommé le Comté de Tinée, et quelques-unes de ses terres : il est de l’année 981. Ce Comté est également mentionné dans un document de 1066 par Gioffedo  dans Nicea Civitas p.162 : il a pris le nom du fleuve Tinée qui nait au mont Tinagros au-dessus de la terre de S.Dalmas de Selvage et dans son voisinage, village dit Boscieras ; celui-ci est en fait la première terre du la vallée de S.Etienne en face du village de  Baus qui se trouve au nord.

Les terres de ce célèbre comté se situent à droite et à gauche de la Tinée, commençant à la source de celle-ci et s’étendant jusqu’à sa confluence avec le Var. Les limites de ce Comté de la Tinée étaient, à l’ouest, les Alpes, qui ferment la vallée de St Etienne jusqu’au confluent du petit torrent de la Roya dans la Tinée, les autres délimitations allaient du nord au sud s’étendant de la terre de Gault jusqu’à la rive gauche du Var à l’est d’Entrevaux ; à l’est, les montagnes qui s’élèvent sur la gauche de la rivière précitée et fermant cette même vallée côtoient la rive droite de la Vésubie presque jusqu’à sa jonction avec le Var. Ce Comté était autrefois inclus dans le vaste territoire de la ville de Cimiez. Le placet de 811 déjà cité, nous décrit  la terre principale du comté de la Tinée par ces mots : « in curia villa Sancto Stephano hujus comitatus Tiniensis ». Ce mot Curia  n’est employé pour aucun autre lieu dans ce placet, ce qui permet de  penser que, justement, on tenait à mentionner la présence de l’Empereur et du Comté à St Etienne. Dans la Charte de donation de 981 que nous avons déjà citée on dit également « in curia villa Sancto Stephano » ce qui nous montre clairement que le nom de Curia  est employé ici à dessein pour indiquer qu’il s’agit du lieu de résidence du Magistrat de la Province  et donc du Comte et de ses officiers. 

Les terres du Comté de la Tinée, que l’on trouve mentionnées dans les documents susdits, sont donc St Etienne qui en était la capitale, au fond de la vallée qui a pris le nom de ce village et sur la rive droite de la Tinée d’où l’on dominait presque toutes les terres de ce Comté, Clantium,Leudol, Maria,Iloncia, Pujetto,Tierrium,Massoino, Reptaito ; Santo Dalmatio de Plano, Utelle : dans la Charte citée ci-dessus par Gioffredo  on trouve  également mention de «  in episcopatu Cimelensis, in comitatu Tiniensis, in loco qui dicitur Clansis et en plus castro, quae nominant Pojetto, Castro,quae nominant Maria ».

Il y avait  beaucoup d’autres terres dans ce remarquable  Comté, soit à peu près toutes celles qui existent encore aujourd’hui dans les limites décrites ci-dessus ; mais, à ce jour, aucun document ne nous est parvenu du Moyen Age ou d’une époque voisine du Moyen Age, qui en fasse mention. Nous nous limiterons donc à signaler celles rappelées dans la Charte susmentionnée  ainsi que les quelques monuments ayant pu s’y trouver ; indices sûrs que, soit sous un autre nom, soit avec leur nom moderne même s’il a été altéré depuis l’origine, ils existaient déjà au temps des Romains.

 

Nous énumérerons ces lieux dans l’ordre des sites en partant du Nord-Ouest au Sud –Ouest ou du Nord-Est au Sud-Est, en commençant par ceux qui se trouvent sur la rive droite de la Tinée : le nom de la villa di Vaus, située au-dessus de la vallée de St Etienne représente pour nous un reste de celui des Vediantii (voir Nice Maritime). A St Etienne passait une route romaine. Dans ce village on a retrouvé des fragments de pierres antiques, qui nous auraient appris son nom ancien s’ils nous étaient parvenus entiers. Ces pierres sont au nombre de cinq les trois premières existaient l’une derrière le vieux temple de S Eligio qui appartenait aux Templiers ; l’autre, qui était un autel de marbre blanc, était situé à peu de distance de ce temple, la troisième à droite de la porte principale de ce dernier.  Les deux dernières se trouvaient dans l’église paroissiale

Les Voici :…

 

IOVI.OPTIMO.MAX

SCIPIO. AVFFILLENVS.S.F.FALER

VIVIF.AVGVSTALIS….

….

VOTI.COMPOS…..REDDITVS

…..

 

MATRI.DEVM.IDEAE

OPTIMAE.SACTISSIMAE

L.ALDONIVS.Q.F.F.AEDIL….

…….

 

….SEX.VALERIVS

POMPEIANVS…..A.F.

VIVIR.AVGVST.ET.INCOLA

CEMENEL….

ARANA.BASIM.ET.SIGNA

VOTO.SVSCEPTO

L.P

 

DIS.MANIBVS

TITI.FLAVII.AVG.LIBER

…..

….

HEIC.EXTRA.PATRIAM…

ATILIA.VALERIA.FILIA.INFELICISSIMA.PATRI

OPTIMO.ET.DESIDERATISSIMO

PLVRIMIS.CVM.LACRIMIS

T.F

 

 

DIS.MANIBVS

C.ELPIDIVS.C.F.FALER

ADIVTOR.A.RATIONIBVS

…..

FECIT.SIBI.ET.VETTIAE

AVFILENAE.CNIVGI.B.M

ET.AELIAE.FILIAE.SVAVISS

IN.FR.P.XVI.IN.AGRO.P.X

 

Note de Nicolas Katarzinsky latiniste: Sans même avoir besoin de rechercher les références au CIL de Mommsen, toutes ces inscriptions sont fausses.

 

 

La première et la cinquième inscription nous mentionnent la tribu Faleriana qui fut attachée à la cité de Cimela. Les magistrats et les personnalités officielles nommés dans cette inscription démontrent que cet endroit était très important. L’érudit Mejranesio a écrit au docteur Durandi  que certaines gravures de ce lieu grâce auxquelles on aurait pu connaître le nom primitif, furent employées dans la construction de maisons  et pour d’autres usages auxquels  souvent l’ignorance destine de tels monuments.

Ultérieurement le village de S.Etienne appartint à la Provence, et dépendit de Forcalquier ; en 1500 il se soumit au Duc de Savoie ; la Reine Jeanne y fit construire en pierre de taille le clocher qui était un des plus beaux de la province.

En 1744 passa ici l’armée gallispane, allant en Piémont. En 1794 un Corps de 4000 Républicains de France y cantonna.

Ce village célèbre fut Comté des Chianea de Nice et en 1758 passa aux Audiberti.

S.Etienne vit naître les hommes mémorables suivants :

Andrea Guiberto  dépendant de la Collégiale de Thonon, publia une méthode pour faire de l’oraison mentale, œuvre intitulée : Le Fare mystique de l’oraison mentale, publié à Thonon en 1624.

Il publia également un livre qui a pour titre : L’adoration du vrai Dieu en 1638.

Antonio Folcaro de la Compagnie des Ignatiens  écrivit et publia en 1598 la Vie d’Eléonore d’Autriche Duchesse de Mantoue

Eligio Caffarello, Docteur es Lois, donna un bref commentaire sur les quatre livres des Institutions Justiniennes. Eromata est le titre  de cette ouvre publiée à Turin en 1590, et qui fut réimprimée avec des additifs en 1605. Du même auteur on doit un autre commentaire divisé en quatre livres  sur les quatre-vingt un  traités divers de la région canonique, publié la même année 1605.

Gianni Francesco Falcone écrivit en langue italienne deux traités, un d’arithmétique et l’autre de géométrie, divisé en quatre parties.

 

 

 

Bibliographie

 

Dizionario geografico storico statistico commerciale compilato per cura del Professore e Dottore di Belle Lettere

Gioffredo Casalis Cavaliere dell’ordine de SS Maurizio e Lazzaro

Opera molto utile agli impiegati nei pubblici e private uffizi a tutte le persone applicate al foro alla milizia al commercio e singolarmente agli amatori delle cose patrie

Bibliothèque municipale de Nice

B 8150 volume XVIII 1849, page 774 et suivantes