Nice et la guerre de la Ligue d'Augsbourg suivant le dictionnaire de Casalis


  Volume XI                                                                      mise à jour avril 2016

 

Pages 932 à 936

 

           Depuis longtemps Louis XIV envisageait de gouverner le Piémont comme une province française. Le Duc de Savoie qui se doutait de cela ne se montra en aucune façon condescendant avec lui, mais quand il crut qu’il était impossible d’éviter la guerre, il se mit en chemin (1689) vers le Comté de Nice en compagnie de la Duchesse sa femme, du Prince Philibert de Carignan, de deux Princesses et d’une Cour brillante, parce qu’il voulait personnellement  s’assurer des moyens de défense en cas d’invasion et exciter par sa présence l’amour des habitants.

           La Cour arriva à Sospel le 7 avril et le jour suivant continua son voyage vers Nice. Le Duc fut extrêmement content de voir comme les populations niçoises lui étaient affectionnées. Le soir du 18 avril le canon du château annonça son arrivée. Les festivités qui eurent lieu à cette occasion furent vraiment extraordinaires et se prolongèrent sans interruption jusqu’au 18 mai.

           Le Duc alla en même temps à Monaco et à Puget Théniers, à la fois pour visiter la frontière et à la fois pour augmenter le courage des milices, qu’il trouva bien organisées.

           Le mois suivant il s’embarqua avec le Prince de Carignan sur les galères de France qui le transportèrent à Oneglia. La Duchesse avec le reste de la Cour  reprit la route du Piémont en passant par Sospel et Tende.

           Pendant ce temps l’horizon politique s’assombrissait de plus en plus.

           Victor Amédée à son retour à Turin reçut un ultimatum qui lui imposait d’abandonner  entièrement son armée et la ville de Turin.

           En vain  le Duc s’efforça de combattre de telles prétentions. Le monarque français ne lui répondit pas autrement qu’en envoyant le Seigneur de Catinat à la tête d’une puissante armée qui s’avançait vers le Duché de Savoie.

           Alors Victor Amédée ne consultant que son honneur et son courage, s’apprêta à conclure une alliance défensive avec la Ligue d’Augsbourg  et fit publier un manifeste dans lequel il exposait  ses griefs contre le despotisme de Louis XIV. Il montra une noble résolution de répondre à la force à la force. Une telle confiance produisit un enthousiasme général.

           Partout ses sujets coururent aux armes, partout ils se déclarèrent prêts à quelque sacrifice que ce soit. Le clergé, la noblesse, toutes les classes rivalisèrent d’ardeur  et de zèle pour la défense du trône et il ne faut pas passer sous silence qu’au premier avis de déclaration de guerre, le régiment de Nice qui servait dans les Flandres trompa la vigilance des français se dispersa et vint se réorganiser en Piémont à l’appel du Prince et de la patrie.

           La Campagne de 1690 eut lieu presque exclusivement en Piémont où Catinat avait la supériorité. Pour ce qui concerne le Comté de Nice, nous dirons qu’une Division de l’armée de Provence pénétra dans la vallée de Barcelonnette mais que les milices des montagnes jointes aux Vaudois et aux barbets contraignirent bientôt les français à se retirer.

           Néanmoins le Seigneur de Catinat entreprit l’année suivante de forcer le château de Nice,  soit qu’il voulut acquérir une nouvelle gloire par le siège d’une forteresse jugée alors comme imprenable, soit qu’il envisageât  de changer le théâtre de la guerre  et d’attirer les forces alliées dans les Alpes Maritimes. Le 12 mars 1691 à la pointe de l’aube, trois cents cavaliers passèrent le Var en face du village de Gattières et mirent en fuite un groupe de miliciens qui occupaient la rive opposée. Catinat suivit ce premier mouvement et sur le soir alla camper sur les collines voisines poussant son avant-garde jusqu’au vallon de Magnan.

           Le même jour le Comte d’Estrées état apparu devant le château de Nice avec toute sa flotte, menaçant un temps le port de Villefranche et le golfe de Saint Hospice. Le matin du jour suivant le gros de l’armée française s’avança  au Magnan sur la route de Nice. Elle monta sur la colline de Saint Pierre  et se posta sur les collines de Cimiez. Catinat établit son Quartier Général au couvent des mineurs réformés de Saint François.

           Ce couvent en cette occasion offrait un curieux mélange de Frères, de soldats,  et de moines, car deux jours avant les Religieuses bernardines  y avaient cherché refuge. Le lendemain les troupes françaises se mirent en mouvement  et en peu de jours occupèrent des positions  avantageuses et s’emparèrent des forts de Villefranche du Mont Alban et de Saint Hospice.

           Catinat réunit alors toutes ses forces contre la ville de Nice. Une batterie de douze canons et de six mortiers disposés sur la colline de S.Charles, menaça les habitants  d’un proche bombardement, et du fait que la ville n’avait aucun moyen de résister, elle capitula le soir du 26 mars 1691. Mais Catinat n’espérant pas avoir le château de la même façon, se mit à le foudroyer avec toute son artillerie, presque depuis le même endroit où cent quarante ans avant Barberousse et le Duc d’Enghien avaient posté en vain leurs batteries. Les bombes et les balles pleuvaient de toutes parts sans interruption.

           L’artillerie du château répondait avec  une égale vigueur, mais le 30 mars un des projectiles lancés par ordre de Catinat frappa la voute du magasin du donjon et mit le feu au salpêtre qui y était enfermé. L’explosion fut terrible. Les remparts, les poudrières et l’arsenal  sautèrent en l’air dans un horrible fracas et du fait de la secousse  de larges brèches furent ouvertes dans les redoutes inférieures. Plus de cinq cents hommes de la garnison périrent dans cette pitoyable catastrophe.

           Après les tristes accidents qui se produisirent encore le 1er avril, le Gouverneur du château dut le céder aux français. Catinat rendit un juste hommage  au malheureux courage et concéda une capitulation honorable signée le 3 avril 1691.

Après la prise de la forteresse niçoise, Catinat partit de son armée victorieuse  pour s‘en aller à Paris et laissa en attendant le Chevalier de la Fare avec quatre mille hommes pour y tenir garnison et ordonna au Maréchal de Camp, Marquis de Vens, de s’emparer du bas Comté.

           Le 12 juin une colonne de grenadiers français assaillit le col de Braus  avec quelques pièces de campagne, mais elle trouva toutes les hauteurs occupées par les milices des vallées de Sospel, de Breil et de Tende  qui la contraignirent à se retirer. Après cela le Général qui la commandait ayant reçu quelques jours plus tard trois mille hommes de renfort venus de Provence, s’avança par la vallée de la Bévéra et parut sous les murs de Sospel dans la nuit du 22 juillet. A peine cette Place fut tombée entre ses mains, les Communes du Haut Comté se hâtèrent d’envoyer leur soumission et en moins de quinze jours tout le Comté jusqu'au col de Tende fut occupé par les troupes françaises.

           En mai de l’année suivante, la Place d’Oneglia qui résistait vigoureusement fut  réduite en un tas de ruines. Toutefois, le Cabinet de Versailles du fait que les français furent contraints de lever le siège de Cuneo le 29 juin suivant, offrit à Victor Amédée un accord particulier, pourvu qu’il abandonnât l’alliance  avec l’Autriche. Mais le Duc qui  se trouvait dans une situation très difficile refusa de l’accepter, et la guerre continua avec des succès divers durant toute la saison estivale.

           Pendant cet intervalle, Catinat vint rejoindre l’armée française du Piémont et se posta sur toutes les hauteurs qui séparaient la Doire du Chissone et dans un camp retranché devenu célèbre dans les annales militaires, sans que les alliés ne le puissent débusquer d’une telle position.

           Pendant qu’ils occupaient ainsi l’attention des ennemis, le Marquis de Parello, au mois de septembre, s’avança avec une division de troupes savoyardes dans le haut Comté de Nice. Il marcha sur Barcelonnette d’où il chassa les français, mais en tentant de s’introduire en Provence, il fut vigoureusement repoussé et battu et il mourut de ses blessures dans la ville de Saluzzo.       

           La campagne de 1693 n’offrit aucun évènement de quelque importance. Les armées ennemies s’occupèrent plutôt à tendre des embuscades qu’à risquer une bataille.

Le Maréchal de Tessé essaya encore de faire la paix avec le Duc de Savoie, lui proposant entre autres avantageuses conditions  d’évacuer le Comté de Nice s’il se déclarait contre l’Autriche. Les négociations durèrent jusqu’à la mi-juillet mais furent sans résultat.    

           Le Cabinet français irrité de l’attitude de Victor Amédée, envoya de nouveaux renforts à Catinat avec l’ordre de reprendre l’offensive. Cet aimable condottiere après avoir libéré la Place de Pignerolle, qui désormais se trouvait réduite aux extrêmes contraignit les ennemis à la fameuse bataille que nous avons décrite à l’article Massaglia et  dans laquelle les alliés  complètement battus perdirent dix mille hommes entre morts et blessés, parmi lesquels comptèrent en plus des Généraux et le Maréchal Schonberg.

           Grace à ce triomphe  Catinat reçut le bâton de Maréchal de France.

Et malgré de tels désastres les alliés réapparurent  dans les plaines du Piémont avec une nouvelle armée très fraiche au printemps 1694 et contraignirent le vainqueur de Massaglia à se replier sur une position de défense où il resta inactif toute l’année suivante.

           Pour la troisième fois Louis XIV offrit à son neveu une réconciliation avec d’avantageuses conditions. Victor Amédée qui craignait aussi l’ambition de l’Espagne et de l’Autriche, se décida finalement à conclure une paix séparée qui fut signée à Turin le 29 aout 1696. Par ce traité la France s’obligeait à évacuer immédiatement tous les territoires, toutes les villes et Places Fortes occupées en Savoie et en Piémont mais aussi dans le Comté de Nice.

Les deux Puissances unies par une alliance offensive et défensive déclarèrent qu’elles étaient résolues  à faire reconnaître la neutralité de l’Italie et en signe de réconciliation la Princesse Adélaide de Savoie épousa le Duc de Bourgogne.

           Le Marquis de S.Georges, nommé au Gouvernement général du Comté de Nice passa bientôt les Alpes avec de bonnes troupes  pour diriger la ville où il fit son entrée le 27 septembre sous l’acclamation de tous les habitants. Quelques jours avant, les français étaient déjà partis de tout le Comté.

           La paix de Turin mena au traité de Vigevano  qui fut signé le 7 octobre suivant.

           L’Autriche et l’Espagne reconnurent la neutralité de l’Italie comme première base de la paix conclue l’année suivante  définitivement au congrès de Riswick.

 

Bibliographie

 

Dizionario geografico storico statistico commerciale compilato per cura del Professore e Dottore di Belle Lettere

Gioffredo Casalis Cavaliere dell’ordine de SS Maurizio e Lazzaro

Opera molto utile agli impiegati nei pubblici e private uffizi a tutte le persone applicate al foro alla milizia al commercio e singolarmente agli amatori delle cose patrie

Bibliothèque municipale de Nice

Tome XI B 8143 – date 1843