Masséna suivant le dictionnaire de Casalis


 Mise à jour juillet 2012

 

Note : La traduction ci-dessous est à rapprocher notamment de l’article de Paul Isoart dans la revue Nice Historique  111ème année N°2 de Juin 2008 sur la vie de Masséna et d’un article dans la même revue de Jean Bernard Lacroix sur la campagne d’Helvétie ;

 

Traduction :

 

« André  Masséna a donné tellement de preuves  de sa valeur admirable  et de ses rares compétences dans l’art de la guerre, qu’il convient d’en faire la biographie en termes concis.

Il naquit par hasard  à Nice le 8 juin 1758, mais on peut bien dire que la commune de Levens peut s’honorer d’être sa patrie, où son père avait fixé son domicile, et où il possédait des biens considérables. Il y fréquenta l’école primaire. Encore très jeune il partit de Levens  avec d’autres compagnons  et alla à Antibes pour s’enrôler dans le régiment français Reale-Italiano.

Comme dans ce régiment  se trouvait un oncle nommé Marcello Masséna, il fut sans beaucoup de difficultés nommé sergent de compagnie  et puis sergent fourrier ; il quitta peu après le service militaire et se maria dans cette ville ; mais quand la Révolution survint en France, il y prit part si activement qu’il fut nommé commandant en second du second bataillon des soldats volontaires du Var, et il participa à de sanguinaires actions à Utelle  et dans le haut Comté. Ses audacieuses actions  ayant été signalées au général Anselme  et au général Biron  qui envahirent le Comté de Nice en 1792, il fut promu au grade de général de brigade  l’année suivante ; et déjà en 1794 il eut l’important commandement de l’aile droite de l’armée  qui en violant la neutralité de la Ligurie avait l’ordre d’envahir le Piémont.

Après la défaite des austro sardes  et ayant occupé Oneglia et pris le pont de Nava  sur le Tanaro et Ormea, il les contraint à abandonner le flanc gauche  de la ligne fortifiée de Saorge.

Il fut fait général de division en 1795, et conduisit l’aile gauche de l’armée républicaine. Il repoussa  avec une rare compétence et valeur les assauts ennemis à Vado. Et c’est pour cela que le général en chef Scherer lui ordonna de faire le plan d’une nouvelle campagne dont il obtint la direction bien qu’il fut jugé très hardi. Ayant pris la tête  le 25 novembre de la division du centre  il domina deux fois la redoutable position que tenait le général autrichien Argenteau et l’ayant attaqué de flanc pendant que le général en chef l’assaillait  de face, il gagna après un combat de deux jours la fameuse victoire de Loano.

Le résultat de tels triomphes fut la conquête de Savone, la libre communication avec Génes et les faciles préparatifs de la campagne de 1796 au cours de laquelle Bonaparte succéda  au faible Scherer. La conséquence de ces victoires fut un une étape  pour s’emparer de toute l’Italie.

A ces victoires Masséna contribua beaucoup et principalement à remporter  celles de Millesimo et Dego.

Le valeureux Masséna commanda ensuite le bataillon  de volontaires au pont de Lodi. Il renversa à Roveredo la première ligne des autrichiens dirigés par le général Beaulieu, et la rompit de nouveau le 6 aout entre le lac de Garde et l’Adige. De telle sorte que le général en chef de l’armée  Bonaparte bien qu’appréciant peu la gloire  de ses généraux, fut amené à l’appeler  l’enfant chéri de la victoire.

Mais après ses actions éblouissantes  Masséna s’arrêta.  Il dut céder à l’ennemi le 29 du même mois le poste de la Corona, et il céda le 2 aout à l’assaut de Leonato. Mais grace à des projets plus avisés, il reprit en peu de temps le terrain perdu et s’empara du grand camp de Peschiera. Il obtint de nouveaux succès le 4 septembre à Roveredo, à Arcole le 15 novembre  et particulièrement à Rivoli le 15 janvier 1797. Bonaparte l’en gratifia du  titre et des revenus du duché dont il prit le nom  après cet ultime triomphe.

Après de faits aussi glorieux, il s’empara de la Carinthie, et chassa l’ennemi de Tarsis et Klagenfurt, et se  rendit à Vienne  auprès de l’archiduc Charles pour les pourparlers de paix. 

A peine revenu en Italie, il en partit subitement pour  Paris où il présenta au Directoire les drapeaux pris à l’ennemi. Il fut reçu  le 18 mai  en grande pompe  par les plus hautes autorités dans la salle de l’Odeon, et il obtint la ratification des préliminaires de Leoben. Le 18 fructidor (4 septembre)  après la crise de la République, il fut un de ceux qui furent proposés comme Directeur. L’année suivante il commanda l’armée française en Italie, et il reçut à un moment l’ordre  d’établir à Rome le gouvernement républicain.

Mais le général Masséna, il faut le dire,  entacha la splendeur de ses vertus militaires  et la renommée de ses victoires par la plus violente  spoliation des pays où il conduisait ses troupes, avec les sordides pillages  qu’il permettait à ses propres subalternes qui voulaient y avoir part et encore avec la très mauvaise administration du trésor militaire, et surtout avec le peu de rigueur dans laquelle il tenait ses soldats.

De la sorte plusieurs fois son autorité fut critiquée, et il fut exposé  à perdre ses hautes charges militaires et la vie même.

Arrivé à Rome, il dut affronter le 24 février 1798, une quasi sédition de l’armée et dut s’enfuir, laissant à d’autres le commandement, et il fut chassé du Directoire de France, et il dut ensuite récupérer ses grades  du fait de la nécessité  du Directoire de le rappeler  pour défendre la Suisse attaquée par les austro russes en 1799.

Durant cette guerre son génie militaire ne fut pas inférieur.

Il entra  dans les Grisons, se rendit maître de Coire, et fit même prisonnier le général autrichien Aufenberg ; mais les défaites du général français Jourdan sur le Danube et sa retraite sur la frontière française,  de plus les avancées des puissantes troupes conduites par l’archiduc autrichien Charles héros d’une grande perspicacité, obligèrent Masséna à abandonner la Suisse orientale et à se retrancher au voisinage de Zurich  d’où il fut délogé  après un vif combat par le valeureux archiduc. Il se résolut prestement   à prendre une très forte position entre les rivières Reus et Limatte, et personne n’eut la hardiesse de l’assaillir, pendant qu’il observait les crises internes des factions de la République. Un plus grand retard aurait donné le temps à l’armée russe d’Italie conduite par Souvarov  de venir se joindre aux troupes de l’archiduc Charles ; et en outre du fait que le Directoire menaçait  Masséna de lui retirer son commandement, il fut contraint  d’assaillir les russes à Zurich  sous le commandement de Korsakov et les mit en pleine déroute, du fait que Souvarov  ne put arriver que pour en sauver bien peu, et battre en  retraite avec eux, laissant l’honneur de cette campagne au valeureux Masséna qui par une telle action sauva la France  de l’invasion de deux formidables armées et fournit l’occasion grâce à cette victoire à de graves   désaccords  qui s’élevaient entre les armées ennemies du fait que  les russes  se plaignaient  hautement que les troupes autrichiennes  se soient emparées de la Souabe.

Bonaparte rentré d’Egypte  et ayant accédé à l’autorité suprême de la République, voulant profiter des mauvais rapports entre les alliés, envoya Masséna qui commandait alors en Suisse, rassembler les avant-gardes de l’armée française plusieurs fois battues par les austro-russes  en Italie. Il les trouva dispersées  dans les monts de Ligurie et du fait qu’il ne pouvait tenter rien de quelque importance, et puis du fait qu’il manquait de provisions, il pensa de s’assurer  au moins d’une forte cité sur la mer et d’y pourvoir au besoin de ses soldats rassemblés. Il s’enferma dans Gênes  et le malheur des habitants, assaillis par les autrichiens, fut indicible. La défaite du général fut mémorable qui avec peu d’hommes encore diminués des deux tiers du fait des privations et de la fatigue, réussit à contenir une armée florissante et nombreuse, avec des fortifications extérieures très étendues, et à encourager ses soldats exténuées par la faim et l’extrême misère. Finalement il abandonna cette cité le 4 juin après une avantageuse convention avec le général autrichien Mélas.

Masséna réussit ainsi à maintenir sans activité  toutes les forces autrichiennes et à donner à Bonaparte le temps nécessaire pour arriver de façon impromptue en Italie et à tomber sur le dos de l’ennemi  à se porter entre eux  et les états autrichiens  et à les obliger à abandonner la péninsule grâce à la victoire de Marengo.

C’est pourquoi Bonaparte  lui confia à nouveau le commandement de l’Italie (1800), qu’il perdit de nouveau du fait des mêmes turpitudes qui lui avaient fait perdre en 1798, le commandement des troupes françaises à la tête desquelles il était entré dans Rome. Il eut pour successeur le général Brune lequel l’égalisait en avarice et en violence militaire. Cependant quatre années plus tard, Masséna retrouva les faveurs de Bonaparte devenu empereur qui le fit maréchal d’Empire, grand officier de la Légion d’Honneur (1805) et lui donna pour la troisième fois le commandement de l’armée française en Italie. Elevé à une telle dignité, le héros de Levens ouvrit la campagne avec la prise de Verone, mais il eut des déboires au voisinage de Caldiero.

Après la rupture des armées autrichiennes par Napoléon en Allemagne, il s’ensuivit la retraite accélérée  du Prince Charles, et en franchissant la Piave et le Tagliamento  il put se joindre en Novembre à la Grande Armée en Allemagne.

Retourné en Italie après la paix de Presbourg, il conduisit les troupes françaises dans le Royaume de Naples dont prit possession Joseph, le frère de Napoléon et jusqu’à l’année suivante il donna la chasse aux révoltés en Calabre.

Pendant la guerre de 1807 contre la Russie, il eut sous son commandement le cinquième corps de la Grande Armée ; pendant celle de 1809 contre l’Autriche en 1809, grâce à son invincible fermeté, il fut le 22 mai, la planche de salut de la Grande Armée à Essling, et il eut une grande part à la bataille de Wagram. Napoléon, reconnaissant, le fit Prince d’Essling, comblé de richesses. En 1810 il commanda une armée de quatre vingt mille hommes pour chasser les anglais du Portugal où Junot et Soult s’étaient employés en vain précédemment.

Il s’empara sans tarder de Cividad Rodrigo, mais ayant perdu du temps devant Almeida, jusqu’à la mi septembre, il entra trop tard au Portugal  où les anglais  s’étaient occupés  d’augmenter les fortifications ; et dans de telles conditions favorables pour eux, il les rencontra sur les hauteurs de Busaco, ayant à leur tête le célèbre Wellington ; voulant les assaillir de front  il eut de très grosses pertes dans ses valeureuses troupes, et c’est seulement en prenant à revers ces hauteurs  qu’il put obtenir la retraite des ennemis qui allèrent se poster sur les lignes de Torres Vedros, ligne formidable où il fut pris de tant de stupeur  qu’il n’eut pas le courage de les attaquer  et perdit en même temps les fruits de sa campagne.

Ayant proposé plusieurs fois inutilement la bataille à Wellington, il se trouva pendant cinq mois dans l’inaction dans un pays soumis à la présence de deux grosses armées, et avec des soldats découragés à cause de la faim ; à ces maux s’ajouta une grave discorde qui naquit entre lui et le Maréchal Ney qui dirigeait l’arrière garde.

Les mouvements stratégiques opérés avec sagacité par Masséna  furent  contrariés par les méthodes et la merveilleuse fermeté  d’âme du capitaine anglais et de ce fait il fut forcé de retirer ses troupes indisciplinées dans  de meilleurs endroits près de la frontière. Son épuisante retraite fut digne de la réputation d’un tel général ; ceci n’empêcha pas qu’il dut se retirer  vers Almeida sans avoir pu se détacher  de son valeureux ennemi  par deux terribles assauts effectués à Fuente de Honor.

L’abandon du Portugal par Masséna  lui valut la défaveur de Napoléon qui lui donna un successeur moins valeureux et moins capable que lui.

Par la suite il ne fut pas employé dans de choses remarquables.  Et pendant  les campagnes de 1812, 1813, 1814 il ne s’occupa que de  sa propre santé dans son air natal de Nice.

Mais Napoléon qui connaissait ses relations anciennes et récentes avec Fouché qui avait perdu le ministère de la police, le confina dans le commandement de la huitième  division militaire de Provence.

Masséna quand arriva le 20 avril 1814 leva à Toulon le drapeau blanc, proclamant solennellement Louis XVIII Roi de France, qui lui confirma son commandement, le fit chevalier, puis commandeur de l’ordre de Saint Louis et le nomma membre de la chambre des Pairs ; mais il correspondait mal aux faveurs du nouveau souverain, pour qui il avait une aversion jurée de verser son propre sang ; c’est pourquoi au débarquement de Napoléon (mars 1815), il enleva tout obstacle, empêcha la résistance de ceux qui le voulaient, obligea ses subalternes à l’inaction, et laissa le temps à l’usurpateur  qu’il lui était facile d’arrêter à Sisteron, de rejoindre Grenoble, le servant ensuite admirablement, comme il l’affirma lui-même, le 10 avril dans son adresse au grand Napoléon.

Après la bataille que celui-ci perdit à Waterloo, de plus en plus lié avec Fouché contre les bonapartistes et les bourbons,  il fut nommé commandant de la garde nationale le 25 juin ; dans cette fonction il put empêcher un grand malheur à la capitale, la sauvant de la fureur des partis contraires. Nommé pour être un  des juges du Maréchal Ney, il récusa cette nomination comme la récusèrent les autres Maréchaux.

Pendant le reste de sa vie, le vieux Maréchal  se reposa. Et on ne tint jamais compte des accusations de rapines qu’il avait effectuées,  faites par ses administrés de Provence.

Il mourut à Paris  le 4 avril 1817 à l’âge de cinquante ans  et on lui fit des obsèques grandioses.

 En parlant des fautes  qui  font une tâche sur ses lumineuses actions militaires, on ne peut pas taire  une particularité de sa vie qui fait honneur à son cœur. Quand il était au sommet de  sa grandeur, se présenta à lui un homme d’aspect misérable, qui avait été sous officier comme lui dans  le régiment Reale Italiano, mais qui étant d’opinions opposées aux siennes  avait servi la cause contraire. A peine l’eut il reconnu, n’écoutant que les mouvements de son cœur, la Maréchal  se jeta dans ses bras, le présenta à sa femme et voulut partager avec lui son habitation et sa table et le tint dans l’abondance les cinq années qu’il vécut encore.

Le Maréchal Masséna était de petite taille mais d’aspect et d’esprit si vif  qu’il était encore plus impétueux que le soldat français, déjà impétueux  naturellement, et c’est pour cela qu’il réussit plusieurs fois à faire prendre à ses troupes des positions qui présentaient des résistances  insurmontables, et obtenant des résultats merveilleux. »

 

Bibliographie

 

Dizionario geografico storico statistico commerciale compilato per cura del Professore e Dottore di Belle Lettere

Gioffredo Casalis Cavaliere dell’ordine de SS Maurizio e Lazzaro

Opera molto utile agli impiegati nei pubblici e private uffizi a tutte le persone applicate al foro alla milizia al commercio e singolarmente agli amatori delle cose patrie

 

 

Bibliothèque municipale de Nice B 8141 Vol IX page 430 et suivantes