Vignes à Nice suivant le dictionnaire de Casalis


  Volume XI                                                                      mise à jour janvier 2016

 

Pages 715 à 720

 

Les vignes couvrent une grande partie du territoire de Nice : généralement elles sont disposées en rangées d’extension assez larges pour laisser la place de semer dans les intervalles soit quelques sortes d’avoine, soit quelques espèces de légumes. A certains  endroits on cultive ensemble, la vigne et les figuiers, le pêcher, l’abricotier et autres arbres fruitiers ; et ce genre de mélange produit une grande variété d’aspect qui rompt la monotonie et est agréable à l’œil.

Puisque l’on cultive ici de nombreuses variétés de vignes, il en résulte que certains raisins murissent plus tôt et d’autres plus tard.

Les variétés de vignes qui donnent le raisin blanc ou jaunâtre les plus réputés sont dénommés ici : claret, pignereau, sauvaget, muscat blanc, broumest, verlantin, spagnou, passerette, gionenca, role, roussan, coliandri; les vignes qui produisent les meilleurs raisins noirs sont dénommées ici : braquet, muscat noir, roussea, panea, negrau, salerne, fole, trinquiera, barbaroux. Les vignes qui produisent les raisins les plus précoces  sont la gionenca, le muscat, la fola, la rossea et le braquet. Celles qui donnent les raisins les plus tardifs sont la trinquiera, le rossano, le pignereau, le broumest et celles qui produisent le raisin dit de Noel. Les raisins qui se conservent le plus longtemps pour l’usage de la table sont : la salerne, la clarette, la roussan, la spagnou, le broumest, la verlantin, celui de Noel,  et particulièrement le barbaroux qui n’est pas très abondant à Nice mais qui y est transporté  en grande quantité de l’Escarène. Finalement les raisins qui donnent la meilleure qualité de vin  et qui fournissent le fameux vin de Nice connu sous le nom de Bellet, nom du quartier où il est produit sont : la clarette, la fole, la roussan, la role, la spagnou, la pignereau, la braquet, la verlantin,  et la trinquiera ; ceux qu’on utilise de préférence pour produire le vin blanc, sont les clarette, verlantin, spagnou, pignereau, muscat blanc.

Les vins de Bellet  supérieurs en qualité  contiennent du muscat blanc  ou rouge, fole, roussan, role et particulièrement la braquet. Quand ils vieillissent ils ont peu de tartre et de matière colorante, ils sont ainsi spiritueux  et  stimulants, ils ne flattent pas le palais, à part s’ils sont  mêlés à une forte proportion de braquet de sorte qu’ils sont moelleux, même vieux.

En outre avec le raisin de Braquet on prépare un vin en forme de liqueur exquis qui porte le nom de la vigne qui le produit et ressemble à du muscat.

Indépendamment des nombreuses variétés de vignes, de la nature du sol qui les font pousser, de leur position, de leur culture, il est certain que la qualité du vin et sa conservation résultent de l’assemblage  de diverses qualités de raisin au moment de la fermentation. On reconnaît néanmoins  que si on assemble de façon séparée, du braquet du muscat, de la fole, du role et du roussan, il est délicieux et se conserve très bien.

Les vignes, originaires d’Asie furent apportées en Europe dans des temps très anciens.

Certains attribuent ce fait  aux grecs de Phocée, d’autres aux phéniciens qui furent les premiers à voyager le long des côtes et qui en auraient successivement introduit la culture  dans les iles de l’archipel, sur le continent grec et dans  notre péninsule.

Les boissons fermentées ou artificielles, après les aliments, l’air et l’eau, offrent des occasions manifestes de santé ou de maladie.

Chaque qualité de vin produit des effets particuliers qui résultent des proportions relatives d’eau, d’alcool, de tartre, d’acide,  de sucre, de glutine et de mucillage, et de la matière colorante qu’il contient. On sait en outre que le vin se diversifie à l’infini selon les influences mystérieuses du sol et selon l’exposition plus ou moins heureuse des vignes qui le produisent, ainsi que la culture faite  avec plus ou moins de diligence et la différence des ceps  et le mode de taille.

Les vins de Nice quand ils vieillissent  contiennent en général beaucoup d’alcool, peu de tartre et peu de matière colorante extraite. Ils stimulent l’estomac, ils sont très peu désaltérants,  et bus sans modération, font mal à la tête. Il en résulte  qu’on doit les utiliser  comme des vins ordinaires mais a titre de liqueurs à la fin du repas. Les plus généreux sont ceux du quartier de Bellet, de Saint Isidore et principalement de toutes les vignes découvertes qui prospèrent très bien sur les pentes occidentales, et sur les versants des collines situées  à l’ouest de Nice, dont le terrain  tertiaire,  schisteux mélangé de cailloux est par conséquent léger et perméable et le plus propice aux vignes et le plus favorable à la qualité du vin. Cent parts mesurées de ce fameux vin fournissent par distillation de dix-huit à vingt-deux  parts d’alcool ; et ils peuvent soutenir la comparaison avec les vins les plus réputés, mais il convient de le dire, il arrive au vin de Bellet comme à ceux d’Alicante, de Malaga, de Bordeaux, de Champagne, etc… que la zone de terrain qui produit cette excellente qualité de vin est très réduite, et chaque année il se consomme à Nice et dans les environs une quantité de Bellet mille fois plus grande que celle  que le sol pourrait annuellement produire. Il en résulte que même à Nice on peut difficilement trouver un Bellet sincère.

Ces vins quand ils sont jeunes apparaissent très colorés, mais après quatre ou  cinq années la matière colorante se dépose presque entièrement au fond  et sur les parois des récipients qui les renferment ; et alors ils prennent une couleur jaune pâle, et exhalent une odeur balsamique qui provient d’un arôme particulier lequel sort de la matière extractive ; au moyen de la distillation ou selon les méthodes de Brandes et Gay Lussac on sépare l’alcool, ils ne conservent plus l’odeur balsamique qui a quelque ressemblance avec celle du goudron.

Cet arôme particulier existe dans le vin de Bellet indépendamment  de l’éther énantique (oenanthate d’oxyde d’éthyle) substance oléagineuse très volatile qui est l’effet d’une cause très peu remarquée.

Les vins qui sont produits sur les collines comprises dans le bassin de Nice, sans être trop  chargés d’acide sont suffisamment spiritueux. La proportion d’alcool qu’ils contiennent est ordinairement  de 10 à 14 pour cent. Ils contiennent aussi une  proportion convenable  de matière colorante, de tartre  et peu de mucilage saccharine ; ils sont donc ceux qui conviennent le mieux à la digestion et sont désaltérants sans  stimuler excessivement l’estomac.

Les meilleurs vins blancs de Nice proviennent essentiellement du secteur de Bellet et des villages d’Aspremont et de Saint Martin du Var. C’est dans ces lieux qu’on cultive  communément le Braquet et qu’on produit le vin qui porte ce nom. En dehors du bassin de Nice il y a d’autres endroits où l’on produit de très bons vins et surtout le blanc. Tel est le cas de Contes, village situé à une distance de huit miles du chef-lieu. Ce vin blanc provenant particulièrement  des cépages Role et Roussan vus plus haut, est extrêmement sucré. Quand il est mis en bouteille avant que ne soit terminée la fermentation, l’acide carbonique qui se produit encore par une fermentation insensible, ne pouvant s’extraire par suite de la résistance qu’oppose le bouchon, reste dans le vin et lui donne la propriété de pétiller comme le Champagne, quand on le met au contact de l’air. Ce vin pique les narines comme l’eau de Seltz. De tous les vins blancs de Nice et des lieux environnants, c’est le plus léger, le plus agréable, celui qui étanche le mieux la soif, et qui améliore le plus facilement la sécrétion des urines. Bu également sans la modération nécessaire, il ne pourrait pas causer beaucoup de mal ; son usage en est recommandé aux personnes de complexion délicate. Les habitants de Contes qui boivent ce vin ont généralement une vivacité et une imagination fertile et une mobilité extrême.

La quantité de vin produite sur le territoire de Nice ne peut suffire à la consommation qu’en font les habitants du lieu, il en résulte qu’annuellement, on en importe beaucoup de pays étrangers  et surtout de Provence. Ces vins qu’à Nice on appelle du port, se goutent spécialement pendant la saison estivale ; et on s’arrange pour diminuer l’acidité des uns et pallier à l’altération des autres par des artifices bien souvent pernicieux. Ainsi l’industrie de la fabrication du vin a fait des progrès  déplorables  à Nice comme dans la France méridionale

 

Bibliographie

 

Dizionario geografico storico statistico commerciale compilato per cura del Professore e Dottore di Belle Lettere

Gioffredo Casalis Cavaliere dell’ordine de SS Maurizio e Lazzaro

Opera molto utile agli impiegati nei pubblici e private uffizi a tutte le persone applicate al foro alla milizia al commercio e singolarmente agli amatori delle cose patrie

Bibliothèque municipale de Nice

Tome XI B 8143 – date 1843

Voir aussi le dossier Internet: vignes dans les villages