TEMPLE VESUBIE SUIVANT LE DICTIONNAIRE DE CASALIS

Volume XI                                                                    mise à jour 25 septembre 2017

 

Tempio Vesubie Utelle 06450

 

Remarque préliminaire

 

Ce texte a été écrit à propos de la Fontaine du Temple au quartier du Ray à Nice

Il faut observer que Casalis () dont le texte a été publié en 1843 connaissait le Guide des Etrangers () paru en 1826 et que les deux textes ne sont peut-être pas indépendants l’un de l’autre. Il reprend également le texte de Louis Roubaudi paru en 1843 (), et s’inspire de l’abbé Gioffredo

Transcription du Guide des Etrangers () page 136 et suivantes

 

« On parvient à cette fontaine (du Temple à Nice) en passant par le chemin de Saint Barthélemy  et du Ray. Elle est située dans un quartier extrêmement agréable.

On a cru que le nom de Temple venait de la corruption  de Tempé ; et que l’on avait ainsi nommé  pour exprimer la beauté du lieu.

Dans Tacite, il est dit que la mère d’Agricola, demeurant au Temple  dans la Ligurie y fut tuée par les soldats d’Othon, et comme on ne connaît dans la Ligurie  aucun autre endroit de ce nom, on suppose que c’est du Temple près de Nice dont il a voulu parler.

Paul Mérula et Claverius croient qu’il faut lire  Intemelios,  et non Tempio, c'est-à-dire XX mille au lieu de Temple. Mais ils ont probablement donné cette version, ignorant l’existence  de notre quartier du Temple.

Cependant comme les Templiers y ont eu un établissement et qu’il y a existé une église sous le nom de Sainte Marie du Temple, on croit plus généralement que c’est de là que le quartier a pris le nom.

Bien des personnes croient que  cette fontaine est une dérivation de la Vésubie, qu’un aqueduc conduit  à travers les montagnes  qui les séparent. Cette distance à vol d’oiseau est de six lieues. Ce qui fait pencher vers cette opinion, c’est qu’on assure que le point où cette dérivation  a lieu, situé parmi  d’affreux rochers le long du cours de la Vésubie, se nomme Temple ; la tradition porte qu’on voyait autrefois la prise d’eau, à une grande profondeur, qu’il y avait une inscription placée au dessus  que l’exhaussement du lit de la rivière  empêche d’apercevoir. On assure que cette source  est extrêmement diminuée et que loin de recevoir  son ancien volume d’eau, elle ne s’alimente plus que de quelques  infiltrations, ou pour mieux dire, que la prise d’eau est en grande partie bouchée.

On a essayé en 1812 de découvrir la vérité de cette tradition, et des meuniers déterminés s’offrirent d’aller sur les lieux  pour cet objet. Ils reconnurent aisément que les eaux avaient été élevées  dans l’endroit indiqué, pour faciliter la conduite des poutres (note : flottage du bois). Ils tentèrent de détourner en partie les eaux de la rivière mais ils ne purent y réussir. Ils voulurent en vain y découvrir la prétendue prise d’eau ; les rochers escarpés et  la profondeur des eaux  ne leur permirent pas d’approcher  le lieu indiqué par les habitants sous le nom de Temple, d’où l’on suppose  que les eaux de la rivière  s’écoulent vers la source dont nous parlons. Gioffredi (note: lire Gioffredo)  en parlant de cette fontaine (du Temple à Nice) dit « qu’elle était formée de plusieurs ruisseaux qu’on croit généralement y avoir été conduits  à l’aide d’un canal, pratiqué dans les entrailles de la montagne quoique personne jusqu’ici n’ait cherché  à la découvrir »

La montagne d’où jaillit  la fontaine était  très boisée  de son temps, ce qui contribuait  à sa conservation et procurait une source plus abondante.

On voit les restes de l’ancienne église  des templiers dans la maison de campagne du chevalier Masseille »

 

 « Les eaux sortent d’un édifice  en pierre (à Nice), de construction romaine formant une voute sous laquelle on voit au niveau du sol d’autres petits courants d’eau qui viennent se réunir sous la grande voute. On pense  qu’elles proviennent de la Vésubie au moyen d’un aqueduc souterrain à travers les montagnes. Ce qui rend probable cette opinion, c’est que le point auquel la tradition assigne la prise d’eau porte aussi le nom de Tempio. Il est situé entre Duranus et le Cros, bourgade d’Utelle, au milieu d’énormes roches taillées au pic.

Une inscription sculptée dans le lit même de la rivière, laisse espérer quelque indication à l’appui de cette opinion populaire ; mais cette inscription est totalement corrodée à part les mots EZA, et 1648. (Note : A propos de EZA, Roubaudi () écrit « nous avons pu lire EZA 1648 » Et elle ne pourrait pas  se référer à l’époque des romains, ni à l’époque à laquelle Paganino del Pozzo, directeur général des gabelles fit ouvrir (1430) pour le transport du sel de Nice en Piémont, une route portant son nom, laquelle se poursuivait le long de la rivière. Le lit de la rivière, à cet endroit, dit Il Tempio, étant très encaissé et très sinueux il est vraisemblable que le roc sur lequel fut sculptée la dite épigraphe, a été taillé en 1648 pour élargir les bords  latéraux  et pour permettre le passage des bois.

Il y a des opinions différentes  à propos du nom de Tempio donné à la vallée dont on parle. Selon certains ce serait une corruption du nom de « tempe », propre à une vallée très riante  de Tessalia. D’autres y cherchent les vestiges du temple où Porcilla mère de Giulio Agricola, fut tuée par les soldats d’Ottone Silvio.

 

Note : Giulio Agricola est né en 40 après J.C. à Fréjus.

Une statue a été édifiée en son honneur dans cette ville au XXème siècle.

Il a étudié à Marseille ;

Sa mère s’appelait Giulia Procilla.

Sa fille s’est mariée avec Tacite.

Tacite disait que Giulia Procilla était d’une singulière vertu.

 

Selon l’Histoire du Haut Empire, dans Imago Mundi on peut lire aussi  « Dans les guerres du règne d’Othon, Agricola perdit sa mère victime de la cupidité des soldats ».

On peut se demander pourquoi elle aurait été tuée dans la Vésubie. Etant de Fréjus, elle connaissait peut être les eaux de Berthemont les Bains et on peut imaginer éventuellement  qu’elle y faisait des cures. Au sujet d’Othon  Casalis donne les informations suivantes page 819 et la suite.  « Le préfet de Cimella demanda de prompts secours à Fabio Valente, qui pour le compte de Vittellio défendait la Durance et celui-ci ne tarda pas à envoyer un bon nombre de troupes dont il laissa une partie à Fréjus, pour empêcher un débarquement et se rendit en personne avec les troupes restantes contre Ottone qui était posté au-delà du Var.... »

Il se peut donc qu’il y ait eu des troupes d’Othon dans la Vésubie

 

Au sujet de Tempio, Casalis indique :

 

«  Mais il semble vraisemblable qu’une telle dénomination provienne des templiers, qui dans ce secteur possédaient une riche maison et une église sous le nom de Sta Maria del Tempio, dont on voit encore les ruines dans une propriété  de la dame Raybaut née Masseille »

S’agit-il du Temple à Nice ou du Temple dans la Vésubie ?

Il est rarissime de trouver dans le dictionnaire de Casalis le nom de personnes ordinaires.

Edmond Raynaud () en 1912, pages 13 et suivantes, se réfère à la chorographie de Durante () page 119  publiée en 1847, qui dit au sujet des commanderies dans les Alpes Maritimes « Utelle – les Templiers obtinrent aussi de s’établir au hameau du Cros, sous la condition expresse que la ville ne serait jamais soumise à la juridiction de l’Ordre. Quelques ruines indiquent le lieu où leur hospice avait été bâti. Il existe à Utelle dans la rue Sotrana une pierre probablement extraite de cet édifice, placée extérieurement au dessus de la lucarne  de la maison Daideri ; on y voit sculptée l’équerre et le compas entrelacés d’un serpent avec la croix mi partie, emblèmes connus des chevaliers »

 

En fait ce ne sont probablement pas des symboles utilisés par les templiers, mais par des confréries de métiers et reprises, ultérieurement, par des ordres maçonniques.

 

Alain Otho (), note : « l'ordre du Temple a été supprimé il y a sept siècles et nous n'avons que peu de documents sur leurs possessions.

Leurs biens furent alors donnés à l'ordre de l'Hôpital et l'enquête que ces derniers firent sur leurs biens en 1338 ne mentionne pas Utelle. Or, si les templiers avaient possédé des biens à Utelle, ils devraient être mentionnés dans l'enquête de 1338. (Voir l'ouvrage de J. A. Durbec, Templiers et Hospitaliers en Provence et dans les Alpes-Maritimes, édition le Mercure Dauphinois, 2001, Grenoble)

La vox populi donne les templiers, en Vésubie, également à Roquebillière et à la Madone des Fenestres à St-Martin-Vésubie.

St-Martin-Vésubie n'est pas mentionné dans l'enquête de 1338.

Quant à Roquebillière, l'église a été donnée par l'évêque (elle devait appartenir à l'abbaye de St-Pons dont les biens étaient gérés par l'évêque de Nice) aux hospitaliers en 1141. Elle a donc toujours appartenu à l'ordre de l'Hôpital »

 

Dans son chapitre sur Nice () page 683, Casalis indique « La Vésubie passe sous Duranus  et se divise en deux pour former comme une ile à gauche, entre dans une cavité caverneuse de tuf dite la Tombina del Tempio (note : la bouche du Temple) où avec une grande impétuosité on en voit l’eau tourbillonner,  et on croit que par des canaux souterrains, l’eau va sourdre sur le territoire de Nice, laissant ensuite Utelle… »

A. Otho a retrouvé la carte qui avait été établie lors de l'étude du tracé de la route carrossable entre Levens et Duranus. Sous Duranus, au droit du coude que forme la Vésubie avec un gros rocher au milieu, est indiqué "Acqua del Tempio".

Sur le plan du canal de la Vésubie de 1880, le coude de la rivière est appelé "Le Temple".

La présence du gros rocher au milieu de la rivière lui a suggéré l’hypothèse qu’il pouvait ressembler à un temple.

 

Note : au point 43° 52’ 54 7 N et 007°14’33 8 E H = 194, en amont du Cros d’Utelle,  il y a une ile et la rivière fait un coude. Elle bute immédiatement en aval, contre un éperon en rive gauche  avec  un amas de rochers affleurant.

Casalis : « Parmi les curieux documents qui existaient en 1608 dans les archives de Nice, on peut lire que les templiers possédaient dans cette cité un hospice, dont les revenus après l’abolition de leur ordre constituèrent une commende appelée commende de Nice ».

Note : Les études relatives au canal actuel de la Vésubie ont commencé à partir de 1851 soit bien plus tard que la date de parution du texte de Casalis, 1843. Le canal a été livré en 1885.

 

Dans le quartier du Cros existe un lieudit la Madone et un autre Maisons Vieilles. Ces noms ne figurent pas sur la carte de 1763 conservée aux archives royales de Turin.

 

Notons qu’il existe toujours au Cros d’Utelle des Masseille et Masseglio.

Pour mémoire A. Otho a retrouvé dans des archives la présence  d’une famille Raybaud Masseille en 1830 sur la paroisse de la cathédrale Sainte Réparate à Nice

 

Remarque : Sur le plan théorique, si l’on considère que la cote de la Vésubie dans le secteur du Cros d’Utelle est de l’ordre de 190 m, et que la cote de la Fontaine du Temple à Nice était de 160 m environ, avec une distance à vol d’oiseau de 16 kilomètres, la pente de ce soi disant canal aurait été de 2/1000 environ.

Cette légende s’appuie peut être sur le rapprochement entre le Temple de Nice et le Temple de la Vésubie, mais avec les moyens de l’époque la réalisation d’un tel ouvrage était impossible.

Le creusement du puits du château à Nice a été considéré comme une merveille et abondamment commenté, et ce n’était rien par rapport à la réalisation d’un tel canal qui nécessitait en outre des moyens de triangulation très précis qui n’existaient pas.

On peut penser aussi à une résurgence de la Vésubie.

Il y a eu à Nice et dans les environs des sources intermittentes qui ont frappé les imaginations. Voir dossier Internet correspondant en préparation

 

 

Prospection de René Ghobard () sur le canal de Mouraille

 

Il a fait paraître un article très détaillé sur ce canal et à propos de la prise d’eau il indique page 181 et suivantes : « La source de Mouraille a été captée par une galerie  souterraine de 600 à 700 mètres de long au moins. Ce n’est qu’au bout de ¾ d’heure et avec peine que l’on atteint le fond où l’on ne trouve  ni inscription latine ni communication avec la Vésubie  comme le voudrait la tradition populaire. La seule trace d’inscription consiste au milieu de la galerie  dans l’empreinte de pattes de chien aux angles d’une tuile  dont le centre est orné de cercles concentriques et où la lettre R peut encore se lire »

 

Il a donné comme cote de sortie  une altitude de 126 mètres au-dessus des thermes de Cimiez après un parcours de 6 km compte tenu des vallons

 

Prospection  dans la Vésubie

 

Henri et Olivier Guigues, Raoul Barbès

Photos Henri Guigues

 

Une prospection le long de la rivière a permis de repérer l’île qui cependant a pu se modifier au cours du temps en fonction des crues. Elle figure sur le plan cadastral  du 01 janvier 1874 section X2 Serre de la Trinité 25 Fi 151/1/x2

En rive gauche à quelques dizaines de mètres en amont du pont du Cros a été observée une zone de tourbillons même en basses  eaux, à l’endroit où la rivière vient buter contre les rochers, dans un coude vers la droite (en regardant l’aval).

La justification du toponyme « la Madone » près de la zone du pont n’a pas été trouvée pour l’instant. Le sanctuaire de la Madone d’Utelle est très loin ainsi que la Croix de la Madone à l’ouest de La Villette mentionnée sur la carte de 1763. Les autres toponymes du secteur sont Citéité, le Pont, la Vigne section Y1 dite de Caisses

L’observation du pont a permis de constater qu’une restauration importante de celui-ci n’est pas très ancienne. L’appareillage de la culée rive gauche est différent du reste.

Par ailleurs côté rive droite et juste en amont du pont on constate ce qui semble être une amorce de voûte, mais on ne voit rien en rive gauche ni dans le lit, à moins qu’il ne s’agisse d’un épi, non justifié à cet endroit. Cependant un ancien cadastre semble indiquer la présence d’un ancien pont un peu en amont du pont actuel

En rive gauche on observe un mur de contre rive en pierre au pied des rochers en amont du pont et une amorce de chemin. Cet ouvrage correspond-il à un ancien tracé ?

 

En rive droite, au pied du pont actuel côté amont on voit l’exutoire d’un petit vallon.

La maison près du pont cadastrée n°535, plan X3 était un moulin à huile. Il figure sur l’état des sections N à Z 1875 au quartier de la Madone, on voit l'entrée d'eau, la chambre à eau et le canal de sortie  entre le pont et le départ épis. La parcelle 532 est qualifiée canal du moulin.

 Plus en amont sur l’état des sections page 179, quartier Citéité figure un moulin en ruines parcelles 488, 489

 

Bibliographie

 

Dizionario geografico storico statistico commerciale compilato per cura del Professore e Dottore di Belle Lettere

Gioffredo Casalis Cavaliere dell’ordine de SS Maurizio e Lazzaro

Opera molto utile agli impiegati nei pubblici e private uffizi a tutte le persone applicate al foro alla milizia al commercio e singolarmente agli amatori delle cose patrie

Bibliothèque municipale de Nice

Tome XI B 8143 – date 1843

 

Raynaud Edmond – Les Templiers dans les Alpes Maritimes – Nice Historique 1912

 

Durante Louis– Chorographie des Alpes Maritimes -  Turin 1847, imprimerie Favale

 

Durbec Joseph Antoine -  Les Templiers dans les Alpes Maritimes - Nice Historique 1938

 

Ghébard René – Annales de la Société des Lettres Sciences et Arts des Alpes Maritimes Tome V, page 181, plans page 395 et 397, consultable sur Internet

 

Guide des Etrangers à Nice Imprimerie de la société typographique  Nice  1826, consultable sur Internet

 

Roubaudi Louis – Nice et ses environs – 1843 Paris Turin – consultable sur Internet

 

Otho Alain