1740 – 1748 suivant le dictionnaire de G Casalis -succession d'Autriche
Mise à jour mars 2018
La mort de l’Empereur Charles VI survenue le 15 octobre 1740, troubla ainsi un doux repos qui fut trop bref pour la félicité des peuples. Ce monarque qui n’avait pas d’héritiers mâles, avait institué comme héritière universelle sa fille Marie Thérèse épouse de François de Lorraine, Grand-Duc de Toscane.
La France, l’Angleterre et l’Espagne avaient solennellement garanti par le Traité de Vienne la Pragmatique Sanction. Néanmoins aussitôt après la mort de Charles VI, l’Electeur Albert de Bavière, éleva des prétentions sur son vaste héritage, et la France se déclara pour être Electeur. Frédéric de Prusse imita son exemple dans l‘espoir de s’emparer de la Silésie ; Philippe V manifesta également ses prétentions pour revendiquer le Milanais et les Etats de Parme et de Plaisance.
Le feu de la guerre se ralluma avec une ardeur nouvelle. La résolution que prit alors Charles Emmanuel à cette occasion honora ses sentiments et sa politique. Ne pouvant conserver sa neutralité sans compromettre ses propres intérêts, il ne douta pas de se déclarer pour le parti le plus faible parce qu’il l’estimait le plus juste.
D’accord avec l’Angleterre il négocia et conclut avec la Reine de Hongrie un Traité d’alliance stipulé le 1er Février 1742, et rapidement parut à la tête de quarante mille hommes, lesquels réunis aux troupes impériales sous les ordres du Maréchal de Thaun, arrêtèrent la marche de l’armée espagnole conduite par le Duc de Mortemar, qui depuis le Royaume de Naples s’avançait vers le Lombardie.
Quoique la France n’eût pas encore positivement déclaré la guerre au Roi de Sardaigne, néanmoins l’orage se rapprochait du Comté de Nice ; déjà l’Infant D.Philippe avait passé les Pyrénées et les Bourbon ne cachaient pas leur projet de pénétrer en Italie par les Alpes Maritimes.
Charles Emmanuel ne voulant être surpris, fit partir vers Nice au printemps 1742 un Corps de six mille hommes sous les ordres du Marquis de Suse. Le château de la ville n’étant plus en état d’opposer aucune résistance, un Conseil de Généraux décida qu’il était nécessaire d’occuper la position du Mont Alban et de la retrancher de façon à pouvoir arrêter la marche des ennemis.
En l’espace de quatre mois les troupes savoyardes travaillèrent à munir le Col du Mont Alban de trois systèmes de redoutes dominées par le Fort et le défendirent par une artillerie formidable. Ils tracèrent une ligne fortifiée depuis le bord de mer jusqu’au sommet des Alpes avec des retranchements établis sur les collines de Garrache (Mont Vinaigrier ?), de Castillon, de Raus et de Lantione (Authion ?) qui, reliés à ceux du Mont Alban fermaient le double passage, soit qu’ils aient voulu passer en Italie par la route de la Ligurie, soit qu’ils aient tenté de forcer la montagne de Tende. Au milieu de tels préparatifs de défense, une nouvelle inattendue fit croire que l’armée des deux Couronnes, avait renoncé à son premier projet d’envahir avant tout le Comté de Nice.
Et en fait l’Infant D.Philippe alla avec toutes ses forces occuper la Savoie et la Campagne de 1743 s’ouvrit en Lombardie. Les armées de France et d’Espagne allaient pendant ce temps se renforcer en Provence, mais l’Infant D.Philippe et le Prince de Conti n’étaient pas encore d’accord sur le plan de campagne de 1744.
Le Capitaine Général Las Minas proposa de s’emparer du bas Comté de Nice et de pénétrer en Lombardie par la Riviera de Gênes et il fit voir la possibilité d’effectuer un débarquement sur l’arrière du port de Villefranche grâce à la réunion de flottes alliées et à contraindre par un tel mouvement le Marquis de Suse à abandonner de lui-même la ligne fortifiée du Mont Alban.
Mais ce projet réussit mal. Les flottes des deux Couronnes furent complètement battues par la flotte de l’Amiral Mathews.
Néanmoins D.Philippe et le Prince de Conti ne renoncèrent pas à l’invasion du Comté de Nice. Leur armée composée de soixante mille hommes passa le Var le 1er avril 1744. Deux ponts construits sur le fleuve, l’un face au village de S.Laurent, l’autre en face d’Aspremont facilitèrent le transport de l’artillerie et des bagages. Les deux Princes logèrent cette même nuit dans le quartier de Palmette (Baumettes ?).
Les ennemis étaient aux portes de Nice et la plus grande consternation régnait parmi les habitants abandonnés à eux-mêmes, car le Marquis de Suse avait fait déplacer toutes les troupes de la garnison sur la ligne du Mont Alban.
Quatre régiments, deux espagnols et deux français commandés par le marquis de Castellar et par le Comte de Dunois prirent possession de la ville le 4 Avril en entrant par la porte de France. L’armée alliée occupa en même temps toutes les collines et les micheletti (miquelets ou mignons) qui avaient l’habitude de précéder les troupes régulières occupèrent le faubourg depuis le torrent de Magnan jusqu’au couvent de S.Jean Baptiste.
D.Philippe, le Prince de Conti et le Capitaine Général Las Minas firent leur entrée dans la ville le 11 avril. D. Joseph d’Arambure prit le commandement de la ville et de la garnison.
Ensuite l’Intendant Général D.Michele Pereira imposa une contribution de trente mille piastres fortes, mais cela fut compensé pour les habitants par le gain qu’ils faisaient sur la vente de leurs marchandises et de leurs denrées. Les Espagnols avaient beaucoup d’argent et le dépensaient plus par orgueil que par générosité. Si l’on avait jugé par le grand nombre de pages, de palefreniers et de familles qui suivaient l’armée espagnole, on aurait dit que D. Philippe se bornait à jouir de quelques divertissements.
Le Prince, excessivement passionné de chasse faisait suivre derrière l’armée une meute de cinquante chiens choisis parmi les espèces les plus rares et dépensait chaque jour pour leur entretien deux cent cinquante piastres fortes.
D’immenses provisions de toutes sortes provenaient des ports de France et de Catalogne. Les bâtiments de transport débarquaient à l’embouchure du Var pour éviter les canons du Mont Alban. Soixante mille hommes de toutes armes disposés le long des collines sur la gauche du Paillon et abondamment pourvus de tout le nécessaire ne ruinèrent pas les campagnes. Leurs généraux maintinrent une rigoureuse discipline pour ne pas offenser le peuple désarmé et pour respecter les terres cultivées.
Avant d’entreprendre l’assaut des retranchements du Mont Alban où le Marquis de Suse restait dans une attitude d’attente, le Prince de Conti à la tête de douze mille hommes fit mouvement vers le village de l’Escarène avec l’intention d’occuper les hauteurs du col de Braus. Elles étaient gardées par le Comte Cacherano della Rocca, lequel avait avec lui quatre bataillons de troupes régulières et un Corps de milices. Une violente tempête ayant de façon imprévue grossi les eaux du Paillon, sépara l’arrière garde de la colonne française.
D.Philippe se prépara enfin à forcer les lignes du Mont Alban. Le soir du 19 avril, trois fusées parties du sommet de la roche dénommée le donjon firent le signal convenu.
Aussitôt six colonnes s’avancèrent vers les rochers escarpés où l’armée savoyarde attendait de pied ferme. Celle du centre commandée par le Marquis de Castellar ayant rejoint sur les pentes de la montagne en face de la cassine Thaon, fut dans l’obscurité accueillie par des coups répétés d’arquebuse qui partaient des fenêtres de cette maison de campagne. Le Général espagnol trompé par le son du tambour qui se faisait entendre en divers points, ordonna à ses troupes de faire halte, mais il n’y avait là qu’un détachement de miliciens devant lequel une colonne de douze mille hommes était arrêtée. Toutefois il n’y eut pas de corps à corps, et comme désormais l’aube s’approchait, le Capitaine Heller qui commandait ce détachement rapproché pensa élever en l’air un mouchoir blanc pour montrer qu’il voulait se rendre et il obtint une capitulation honorable, s’en retournant libre avec ses compagnons d’arme.
Ce fut une chose vraiment curieuse de lire le journal de Madrid du 30 avril 1744, dans laquelle Capitale on chanta un hymne solennel de remerciement pour la prise de la forteresse de Thaon.
Mais il en advint bien autrement au pied des redoutes où arriva ensuite l’ennemi malgré le feu terrible des batteries. L’impétueuse valeur du Comte de Dunois obtint subitement un brillant succès ; ce Général mis à la tête d’une division de grenadiers français grimpa sur les rochers opposés ; il déboucha par la route de Villefranche sur le côté droit de la position fortifiée et malgré les coups incessants des défenseurs, tourna rapidement le haut plateau du Mont Garrache, se jeta furieusement sur les retranchements. Quatre bataillons surpris par cet assaut imprévu tentèrent en vain de se défendre et furent ensuite repoussés. Ici accourut le Marquis de Suse. Il essaya vainement de les secourir. Ces troupes furent contraintes de déposer les armes et ce Général se rendit prisonnier au Comte de Dunois.
Le Chevalier de Cinzano prit le commandement et réunissant trois Corps de soldats dont il connaissait le courage, assaillit à son tour les redoutes occupées par les grenadiers français qui se virent contraints de les abandonner. Mais le Comte de Dunois pénétra à nouveau dans les retranchements et repoussa son adversaire derrière le parapet de la batterie du Mont Leuze. Ici s’engagea une terrible mêlée. Le régiment de la marine se couvrit de gloire. Trois assauts consécutifs ne purent le forcer à abandonner cet ultime poste d’honneur.
Le régiment suisse de Salis survint au secours de ces valeureux et fit reculer les français pendant que le Chevalier Thaon de S.André rentra au pas de charge dans les tranchées. La violence s’accrut tellement de part et d’autre que les troupes manquant de munitions se battaient à coups de pierres. C’était dix heures du matin. Une ultime charge des volontaires royaux obligea les ennemis à se retirer.
Mais ceux-ci furent harcelés par les armes subalpines jusque sous les murs de Nice et ils subirent une perte de cinq mille hommes entre tués et blessés
L’héroique résistance du Commandant de Cinzano ne découragea pas les ennemis qui se disposèrent à un nouvel assaut.
La fatigue des troupes, les pertes subies, et surtout le manque de munitions conduisirent le Général piémontais à abandonner cette position avant que la retraite sur Oneglia ne devint plus malaisée. Il profita de la présence des vaisseaux anglais ancrés dans la rade de Villefranche et trompant la vigilance de l’Infant, il s’embarqua avec ses troupes sur cette flotte dans la nuit du 21 au 22 avril.
Alors le Prince de Conti s’avança sur la Roya et alla établir son Quartier Général à Breil pour couvrir les défilés de Saorge et de Tende occupés par les Divisions piémontaises commandées par le Comte Cacherano della Rocca.
L’Infant après avoir introduit quelques troupes dans Vintimille fit occuper la vallée de Dolceacqua et détacha le Capitaine Général Las Minas avec seize bataillons lesquels s’emparèrent de la Principauté d’Oneglia. Mais elles l’abandonnèrent rapidement d’ordre du Cabinet de Madrid.
Suivant le nouveau plan de campagne que les Bourbons adoptèrent, un Corps de dix mille espagnols sous les ordres du Marquis de Castellar restèrent dans le Comté de Nice pour garder la ligne de Sospel jusqu’à la mer. Le Général mit en état de défense valable les forts de Villefranche et Mont Alban et fit disposer diverses batteries le long du littoral pour tenir au loin les vaisseaux anglais.
Durant l’automne 1744 il ne se produisit rien d’important dans le Comté de Nice. Le Brigadier Général D.Giusppe de Castro qui avait succédé au Marquis de Castellar rappelé au Quartier Général des Princes, s’y tint constamment sur la défensive et la petite armée piémontaise qui lui faisait face ne tenta aucune action.
Au printemps 1745 l’armée gallispane forte de soixante mille hommes fit mouvement vers la frontière du Comté de Nice.
La République de Gênes s’était finalement déclarée en faveur des Bourbons et par le Traité d’Aranjuez, elle consentit alors à laisser le libre passage par les deux rivieras et mit à leur disposition un Corps auxiliaire de dix mille soldats.
L’Infant D.Philippe et le Maréchal de Maillebois arrivèrent à Nice avec le gros de l’armée le 12 avril 1745. De vastes magasins établis au-delà du Var pourvoyaient à tous les besoins.
Il se passa ici un mois en festivités mais les préparatifs de la Campagne ne furent pas négligés. Le 11 du mois suivant, l’armée se mit en mouvement vers Vintimille. Le Marquis de Castellar à qui fut donné le commandement de l’avant garde s’empara de San Remo et de Porto Maurizio. Oneglia ouvrit ses portes le 1er Juin et le Commandant de Cinzano, trop faible pour résister à tant de forces, se retira avec les siennes dans la vallée du Tanaro. Les troupes gallispanes ne trouvèrent pas d’obstacles dans leur marche.
D.Philippe établit son Quartier Général à Savone et le Maréchal de Maillebois gagna les hauteurs de la Rocchetta.
Pour assurer les communications avec la ville de Nice, ils avaient laissé en arrière un Corps de réserve commandé par Mirepoix qui avait sous ses ordres le Baron de Lautrec. Ce Général posta dans les environs de Vintimille un régiment français qui fut battu par un Corps de milices de Tende et la Brigue.
Il ne nous appartient pas ici de suivre le cours des évènements militaires en Lombardie où s’acheminèrent les gallispans. Nous dirons seulement qu’après avoir triomphé, ils subirent de telles défaites qu’ils durent se retirer en désordre et avec de très graves pertes. L’infant D.Philippe et le Maréchal de Maillebois se trouvèrent rapidement à Nice avec le reste de leurs soldats humiliés.
Le 17 septembre 1746 le Marquis de Balbiano avec une colonne de huit mille piémontais déboucha sur Dolceacqua par la route de Pigna. A son arrivée, un Corps de troupes espagnoles pris d’une terreur panique fit sauter en l’air les antiques fortifications du château de Dolceacqua et se retira au-delà de la Roya. Le courageux Capitaine Martini se mit à le suivre avec un bon groupe de miliciens, et ayant ensuite forcé les défilés de la vallée parvint sur les hauteurs de Castillon repoussant les troupes ennemies au-delà du torrent Bevera.
Ce mouvement du Capitaine Martini obligea le Comte de Maillebois à abandonner la position de Vintimille. Celui-ci laissa cependant une petite garnison dans le Fort et occupa comme il lui fut possible les hauteurs de Gorbio et la Turbie.
Pendant ce temps le Quartier Général de l’armée impériale (12 octobre) arriva à Menton. Un Corps d’observation commandé par le Sieur Bertola y fut laissé en arrière avec l’ordre de prendre d’assaut le fort de Vintimille.
Le Roi Charles Emmanuel fit subitement partir le Général Gorani à la tête d’une forte colonne pour assaillir l’ennemi sur la droite dans les ultimes retranchements. Il s’avança lui-même en avant sur la route de Menton à La Turbie et malgré une vigoureuse résistance trois redoutes de l’ennemi furent prises. Mais Gorani perdit la vie dans cette action considérable. Le Comte d’Entremont prit aussitôt le commandement des troupes et poursuivit les fugitifs jusqu’à La Turbie d’où ils se retirèrent ensuite en désordre vers la ville de Nice, les uns par le vallon de Laghet, les autres par les chemins d’Eze et de Villefranche.
Un grand désordre régnait parmi ces troupes. Les français et les espagnols fuyaient en désordre en abandonnant leurs magasins, leur artillerie et jusqu’à leurs bagages.
Le soir du 16 octobre l’arrière-garde espagnole se retira au-delà du Var après avoir rompu les ponts de S.Laurent et d’Aspremont. Le Chevalier Solaro à la tête des volontaires royaux du régiment de Nice, devança l’arrivée du Souverain dans la cité fidèle. D’autres régiments sous les ordres du Marquis Balbiano, de là rejoignirent sous peu et sans s’arrêter sur la Var, défilèrent par la route de Magnan.
Le 19 le Roi, à la tête de sa Garde, accompagné par un cortège de Princes et de Généraux, illustres compagnons de gloire, entrèrent dans Nice sous les acclamations des habitants, lesquels en raison d’un si faste évènement passèrent plusieurs jours dans l’ivresse et la joie et donnèrent à l’auguste Souverain les plus sincères démonstrations de leur inaltérable affection.
L’orgueil des Bourbons après les désastres de la Campagne de 1746 démontra combien il coute de verser le sang des peuples pour des buts d’agrandissement et de conquête.
Leurs nombreux bataillons chassés honteusement de Lombardie, poursuivis jusqu’aux frontières de la Provence ne trouvèrent pas encore de moyens de pouvoir s’arrêter ; les espagnols abandonnant les bords du Var s’enfuirent en désordre par la route d’Aix et les français par les montagnes de la Haute Provence.
D.Philippe fut atteint d’une dangereuse maladie à Arles et le Maréchal de Maillebois se rendit en hâte à Versailles pour accuser le Maréchal de Las Minas des disgrâces d’une telle retraite.
Charles Emmanuel satisfait d’avoir libéré ses fidèles sujets du Comté de Nice, n’avait aucune intention de poursuivre ses succès prospères.
La voix de l’ambition ne lui faisait pas perdre la tête dans l’ambiance de la victoire. Les limites de son territoire étaient tracées sur ce côté du Var et son rare bon sens lui démontrait les énormes difficultés et les grands dangers d’entreprendre l’invasion de la Provence mais le Cabinet anglais voulait absolument tirer parti de l’occasion favorable pour diriger sur Toulon toutes les forces alliées avec l’intention de ruiner une seconde fois la marine française.
L’expédition de Provence fut décidée nonobstant la répugnance du Roi de Sardaigne. Dix-huit bataillons de ses meilleures troupes durent se réunir aux Impériaux sous les ordres du Comte de Braun. Charles Emmanuel avec le reste de son armée se réserva de s’emparer, ce qu’il fit en fait, des forts du Mont Alban de Villefranche et de Vintimille, encore occupés par des garnisons françaises. Rendu à Nice il tomba gravement malade mais par chance il se remit bientôt et s’en retourna à Turin. Néanmoins, l’armée austro-sarde avait passé le Var en six colonnes sous la protection de la flotte anglaise, en suivant la double route du littoral de la Provence et des hautes Alpes.
Les premiers succès furent tellement heureux que le 1er Décembre la Quartier Général des Impériaux se trouvait à Fréjus à peu de distance du camp retranché de Puget où se trouvait le maréchal de Belleisle pour couvrir les approches de Toulon.
Déjà le marquis d’Ormea s’était emparé de Grasse et de Draguignan et le Comte de Braun avait investi la Place d’Antibes. Une bataille paraissait imminente près du camp de Puget. L’amiral Bing maître des iles S.Marguerite était déjà tout disposé pour l’assaut général quand la révolte des Gênois occasionnée par la tyrannie du Général autrichien Botta changea entièrement l’aspect des choses.
La libération de Gênes donna le signal de l’insurrection aux peuples des deux rivieras ligures et fit de tels progrès que l’armée austro-sarde au lieu d’avancer encore, fut contrainte de retourner en arrière.
Déjà l’hiver devenait toujours plus rude, les neiges et les pluies continues abimèrent beaucoup les routes. Les difficultés de communiquer d’une position à l’autre allèrent en croissant. Les chevaux et les mulets manquaient de paille et de fourrage dans un pays pauvre et montagneux. Les vents d’orage s’opposaient à l’arrivée des convois. La cavalerie se trouvait dépourvue de ce dont elle avait besoin et par comble de malheur les mauvais aliments, les indicibles fatigues et l’inclémence du ciel produisirent une horrible épidémie qui toucha une grande partie des troupes et se propageant à Nice provoqua la mort de nombreux citadins.
Pour toutes ces raisons, le Comte de Braun fut contraint de battre en retraite, laissant cependant, une arrière-garde sous les ordres du Général de Neuhaus. Le maréchal de Belleisle après quelques revers reprit l’offensive mais fit occuper de nouveau le bas Comté de Nice et entra rapidement dans la ville.
Le Marquis de Las Minas ne tarda pas à arriver avec l’Etat-Major Général espagnol. Le commandement de la Place fut donné au Maréchal Comte de S.Sauveur et un ordre donné aux troupes fit cesser les inquiétudes des habitants, tellement que les affaires reprirent tranquillement leurs cours ordinaire sans que l’invasion de l’ennemi n’y apporta le moindre désordre.
Entre temps Charles Emmanuel confia au Baron de Leutron le commandement de toutes les troupes subalpines qui se trouvaient dans le Comté de Nice et ce très habile Général par le choix de positions avantageuses et le développement de son plan de défense empêcha Las Minas et Bellisle de poursuivre plus avant leurs succès.
Les forts de Mont Alban et de Villefranche s’étaient rendus à la première intimation. De Braun se retirant sur Gênes n’avait laissé que six bataillons postés au-delà de Vintimille le long de la ligne de la Roya. Au début de juillet 1747 une colonne française se porta sur la route de l’Escarène à Sospel et occupa les éminences du col de Braus. Le Chevalier Martini avec deux bataillons et quelques milices, se replia en bon ordre sur les montagnes de Breil et de Saorge et le Comte de Thaun prit toutes les meilleures dispositions pour interdire aux français la route du Col de Tende. La ligne de défense établie par ce renommé Général s’étendait du Col de Raus jusqu’à Vintimille couronnant les hauteurs de Perus, de Pienne, d’Olivetta et se prolongeant sur les crêtes des montagnes de Ghiari Straforco Bormia Cairo et Airole. Vingt-deux bataillons occupaient un système de redoutes le long de cette chaine de rochers escarpés lesquelles redoutes communiquaient entre elles.
Or pendant que Belleisle et Las Minas se disputaient entre eux sur la plan à adopter pour cette campagne, D.Philippe et le Duc de Modène débarquèrent à Menton et arrivés à Nice tinrent un Conseil de Guerre où ils décidèrent que durant la marche des espagnols par la riviera de Gênes, le Chevalier de Belleisle frère du Maréchal du même nom opérerait une diversion du côté du Dauphiné et tâcherait de s’introduire en Piémont par la vallée d’Exilles.
Charles Emmanuel craignant d’avoir sur les bras l’armée française du Dauphiné, rappela subitement en Piémont le Corps de ses troupes occupées avec les autrichiens à l’infructueux blocus de Gênes.
Quatorze bataillons piémontais restèrent dans la vallée d’Oneglia pour soutenir le courage des milices. Le Baron de Leutron se tint immobile sur les lignes retranchées et le Marquis de Las Minas ne sut faire autre chose que d’investir le port de Vintimille et avancer son Quartier Général à Menton. Toutefois le Chevalier de Belleisle avec trente mille hommes s’avança par la vallée d’Oulx vers le Col de l’Assiette, résolu à forcer cette position, mais il y perdit la vie et l’armée qu’il commandait fut pleinement battue de la façon que nous avons décrite dans l’article Bricherasio vol II p.632 et suivantes.
Les désastres de la journée de l’Assiette provoquèrent l’épouvante dans l’armée espagnole campée entre Menton et Vintimille. Profitant de sa stupeur le Général de Leutron descendit des montagnes qui s’étendent de la Brigue à Oneglia et par un mouvement combiné, vint libérer le fort de Vintimille qui était désormais réduit aux extrêmes.
Les ennemis se replièrent en hâte sur les positions de La Turbie. Leutron ne chercha pas à attaquer les espagnols de front mais aussi bien de les contenir sur le littoral maritime se dirigeant sur les collines qui séparent la Roya de la Nervia et s’appuyant sur la droite à Breil, sur la gauche à Vintimille et au centre à Dolceacqua, et formant ainsi un vaste camp garni de retranchements qui le mettaient à l’abri de quelque surprise.
Les Généraux ennemis se trouvèrent alors dans une situation très défavorable tellement que le Duc de Belleisle conduisit une partie de l’armée en Provence, laissant cependant de fortes garnisons au Mont Alban à Villefranche et à Nice sous les ordres du Sieur de Pourprix Maréchal de camp.
Désormais on arrivait à la saison des pluies. La fatigue de l’une et l’autre armée semblait indiquer qu’on dut suspendre les hostilités jusqu’au retour du Printemps.
Déjà se répandait une voix d’apaisement qui annonçait des tentatives de paix.
Quand soudain les lubies du Cabinet français ou plutôt le caprice de Madame de Pompadour ralluma l’ardeur belliqueuse des généraux français. Des ordres pressants qui furent envoyés en Provence mirent en mouvement de nouveaux renforts.
L’Espagne seconda cet élan guerrier, en envoyant trois millions de piastres fortes au Fort de Villefranche et de grandes provisions de toutes sortes. Et malgré la saison avancée, l’Infant D.Philippe arriva à Nice le 18 décembre 1747. La ville et la campagne furent bientôt encombrées de troupes disposées à reprendre l’offensive. Déjà l’ordre était donné d’avancer.
Pourprix avec huit mille français courut renforcer les positions de Sospel. Il se rendit maître des hauteurs de Brouis et contraignit les piémontais à se replier derrière la Roya. D’un autre côté le marquis de Las Minas s’avança de nouveau vers Menton, s’empara des retranchements de Castellar et encercla le Fort de Vintimille, de façon que la garnison piémontaise se trouva dans la nécessité de capituler.
Malgré tout cela, la Campagne dans le Comté de Nice et dans la riviera de Gênes n’offrit que de petites actions de peu d’importance. Et en plus une grande quantité de neige tombée au mois de février fit cesser les hostilités dans le Comté de Nice.
Pendant ce temps une grande activité régnait toujours au Quartier Général de Nice.
Au retour du printemps, le Marquis de Mirepoix conduisit une division de troupes fraiches destinée à opérer une diversion dans la vallée de Lantosque. Mais cette décision de Mirepoix n’échappa pas à la sagacité du baron de Leutron qui se dépêcha de la prévenir.
Les régiments d’Ile de France et de Lorraine qui formaient l’avant garde du général français trouvèrent dans tous les passages des troupes subalpines bien sur leurs gardes.
Un conflit paraissait imminent quand un courrier du Cabinet, arrivé à Nice le 17 juin apporta l’heureuse nouvelle que les conférences de la paix s’étaient ouvertes au Congrès d’Aix la Chapelle, et que pendant qu’on en attendait les résultats, il y aurait une suspension d’armes le long de la ligne de la Roya.
Par convention du 1er juillet on établit que les deux armées occuperaient les positions suivantes : les troupes austro-sardes tout le pays de Breil jusqu’à San Remo derrière la ligne de la Roya, les français les montagnes de Sospel à Lantosque et les espagnols le littoral maritime de Vintimille au Var.
On stipula en outre que durant l’armistice il y aurait une entière liberté de commerce dans les ports de Menton, Nice et Villefranche et qu’y viendraient des navires de commerce de toutes les nations.
Ainsi la ville de Nice se trouva bien vite très animée non seulement par la présence des troupes et par le séjour du Grand Quartier Général, mais encore par l’affluence d’une multitude d’officiers supérieurs anglais autrichiens et piémontais qui profitaient de la liberté de communication. Au tumulte des armes succéda celui des plaisirs.
Le 25 juin le Maréchal de Belleisle célébra la fête de son Roi avec la plus grande solennité. L’Infant D.Philippe célébra à son tour le jour sacré de S.Ferdinand avec tout le faste espagnol et à l’occasion de l’une et l’autre fête les soldats comme les citadins furent régalés de toutes sortes de divertissements.
La paix d’Aix la Chapelle fut signée le 18 octobre. Par l’article 13 du Traité il était établi que pour ce qui concernait l’armée d’Italie, un congrès particulier à réunir dans la ville de Nice règlerait le temps et les conditions d’évacuation des territoires occupés de part et d’autre.
L’ouverture du congrès de Nice se fit le 30 novembre. Les conférences durèrent jusqu’au 14 décembre suivant. Parmi d’autres choses, on établit que les troupes gallispanes évacueraient immédiatement la ville et le Comté de Nice.
Vers la fin janvier 1749, les troupes alliées avaient entièrement repassé le Var. Le gouvernement général du Comté de Nice fut confié au Marquis de S.Giulia, qui fit son entrée à Nice à la tête de quatre bataillons piémontais le 14 février et les habitants manifestèrent leur joie d’être finalement rendus à leur légitime et adoré souverain.
Bibliographie
Dizionario geografico storico statistico commerciale compilato per cura del Professore e Dottore di Belle Lettere
Gioffredo Casalis Cavaliere dell’ordine de SS Maurizio e Lazzaro
Opera molto utile agli impiegati nei pubblici e private uffizi a tutte le persone applicate al foro alla milizia al commercio e singolarmente agli amatori delle cose patrie
Bibliothèque municipale de Nice
Tome XI B 8143 – date 1843