digue du var

 

Reconnaissance de la Roya par le chef de bataillon Seré de Rivières en 1862

 

Mise à jour juillet 2018

 

Cette reconnaissance a été effectuée le 27, 28 et 29 août par le chef de bataillon du Génie en chef Seré de Rivières qui devait devenir général et diriger le système de fortification qui porte son nom.

Cette étude a été demandée par l’inspecteur général du Génie en 1861 donc peu après le rattachement.

Comme elle a été faite en partie en territoire devenu français et en partie en territoire italien, on imagine qu’elle s’est faite de façon discrète.

Le chef de batailon ne mentionne pas s'il était seul mais c'est probable pour des raisons de discrétion en territoire italien

La copie du rapport de septembre 1862 relatif à cette mission a été obtenue par Charles Botton de Breil auprès du service historique de l’armée de terre.

La première partie concerne la description sommaire du terrain reconnu, le tracé de la frontière, les communications, les ponts, les évènements militaires accomplis sur le terrain reconnu, l’importance militaire de ce terrain et les mesures à prendre immédiatement en cas de guerre avec l’Italie.

La deuxième partie concerne l’itinéraire de Fontan à Vintimille par la Roya, la description sommaire des fortifications de Vintimille et l’itinéraire de Vintimille à Sospel par la Bévéra.

Seule est reproduite ici la description de l’itinéraire de Fontan à Vintimille à partir du 27 août. Les orthographes des lieudits ont été conservées/

Le texte est en italique et les commentaires en écriture droite

 

« Il n’a pas été tenu compte dans ce détail, du temps absorbé par les stations intermédiaires, et l’on a admis pour l’appréciation des distances, qu’un parcours de 4 kilomètres correspondait à 1 heure de marche.

Départ de Fontan (6 h), arrivée à la Ghiandola (7h20, 5300m). A la sortie de ce hameau on suit pendant quelques minutes la route impériale, puis on a à gauche un bon chemin carrossable qui dessert la petite ville de Breil. Ce chemin suit la rive droite de la Roya et le pied des croupes en pente douce et bien cultivées qui se rattachent au col de Brouis ; la rive gauche, au contraire, présente des escarpements très élevés et complètement dénudés.

Il n’y pas de commentaire sur Saorge.

«  On arrive au bout d’un quart d’heure dans un petit vallon au fond duquel se trouve Breil (7h50, 7600m). Cette petite ville, dont la population s’élève à 2500 âmes, est située sur la rive gauche de la Roya, et resserrée entre la rivière et le pied des contreforts du Mont Jove. On franchit la Roya sur un pont de trois arches, à l’extrémité duquel on passe sous une porte voûtée que surmontent les débris d’un mâchicoulis et qui est flanquée par une tour crénelée également en ruines, fragments encore debout de l’enceinte qui entourait Breil au Moyen Age et dont on aperçoit encore quelques restes »

Le capitaine Wagner () en 1865 estime la population à 2700 habitants et décrit la porte de la façon suivante : « Cette porte a été construite en plusieurs fois. La partie inférieure en assez beaux matériaux parait très ancienne. Les mâchicoulis qui la surmontent sont d’une construction beaucoup plus récente. Les créneaux ont été bouchés plus récemment encore, par une mauvaise maçonnerie destinée à mieux défiler le terre-plein en arrière. Il y a tout lieu de croire que cette addition provient de la défense de Breil en 1794 »

La route en aval de Breil était encore à l’état de projet en 1865.

Seré de Rivières poursuit : « au sortir de Breil (7h55, 7660m), on repasse sur la rive droite de la Roya au moyen d’un pont d’une arche. Le cours de la rivière est resserré à ce point, entre les contreforts des deux rives, on aperçoit à cent mètres environ, au-dessus du lit de la Roya les vestiges de fortifications. »

Il s’agit probablement de la position dite du défilé du Roy sur la rive gauche de la Roya.

« Encore plus haut, existe encore une tour connue sous le nom de Torre de la Crivelli.

La position de Breil se prêtait bien au Moyen Age à la défense de l’accès du ravin de la Roya. Il n’en serait plus ainsi de même ; elle est d’ailleurs tout à fait commandée du côté de Vintimille. A partir de Breil, la Roya serpente au fond d’une gorge bordée d’un côté par les escarpements du Mont Jove, et de l’autre par les pentes raides mais cultivées de la Cima del Bosco ; la route muletière ordinairement suivie entre Breil et Vintimille, longe jusqu’à la Penna (Pienne), la rive droite de la Roya, passe ensuite dans la vallée de la Bendola, traverse Olivetto, se dirige vers Colla Bassa, s’élève sur le mont Pozzo et redescend au confluent ; je me décidais à reconnaître cette route jusqu‘au-dessus de la Penna et à regagner en ce point l’autre rive.

Après avoir franchi la Roya on laisse sur la droite un chemin qui conduit directement au col de Brouis. Le sentier que l’on suit s’élève par des lacets pavés en assez mauvais état sur le contrefort qui termine le vallon et pénètre dans la gorge de la Roya dont il longe le cours, en se tenant à des hauteurs variables au dessus du fond du ravin. Les deux versants continuent à présenter le même contraste. Celui de la rive droite est bien cultivé ; les pentes sont disposées en ressauts soutenus par des murs. Le sentier lui-même est supporté par un mur de soutènement de 2.50m de hauteur, et longe un mur de même hauteur. Sa largeur varie de 0.70 à 1.50m ; il est en très bon état  et bien entretenu, mais il faudrait un travail énorme pour le rendre praticable par l’artillerie. (8h20, 9300)

On passe devant un ravin profond et escarpé du mont Jove que gravit un sentier qui conduit à la Rocchetta et à Dolce Aqua, et que suivent les muletiers qui de ce point vont rejoindre la route de Tende ».

Cette description est obscure, car à partir de Rocchetta Nervina, le sentier qui remonte le long de la rivière Sgorela aboutit à Roche Fourquin  (alt.1420m) d’où un sentier redescend sur Libre par Roche du Tron. Les passages plus au nord sont encore plus élevés et plus compliqués. Le passage de Rocchetta dans la Roya, plus au sud, par Baisse d’Abellio (alt.752m) paraît plus simple.

 « A partir de ce ravin, la rive gauche devient moins aride et quelques cultures commencent à apparaître. Un changement inverse se dessine sur la rive droite : la crête du contrefort s’abaisse assez brusquement, à partir de la Cima del Bosco, et l’on voit par dessus cette crête, les sommets de la Testa du Cuore et du Grammondo.

(8h45, 11000m). On rencontre une fontaine, le sentier se dirige vers la droite, vers la Bévéra. Je prends le parti de passer sur l’autre rive. Cette opération présente quelques difficultés, notamment pour traverser la Roya, dont les eaux sont assez profondes et rapides »

Il ne mentionne pas le pont de Libre qu’il n’a peut-être pas vu.

«  Je rejoins au bout de deux heures, le mauvais sentier à peine praticable, qui relie Breil aux hameaux de la rive gauche de la Roya. Il est étroit mal entretenu, côtoie de véritables précipices et  offre des passages vraiment dangereux ; on aperçoit de là les escarpements qui dominent le château en ruines et le village de la Penna, et qui forcent le sentier de la rive droite à se détourner du cours de la Roya. L’aspect du versant que l’on vient d’abandonner devient complètement aride, à peine quelques taillis recouvrent ils les parties exposées au nord.

(9h15, 12330m) Une heure un quart après être sorti de Breil, on franchit la ligne frontière et on rencontre un poste de douaniers italiens »

Il a du reprendre ses estimations au droit du chemin de la rive droite qu’il a laissé et n’a pas compté le temps de la traversée de la vallée. A cette époque la frontière qui reproduisait probablement l’ancienne frontière de la république de Gênes avec le royaume de Sardaigne passait un peu au nord de Libre et de Pienne.

« (9h35, 14660m). On traverse le hameau de Libri, composé de maisons délabrées, qui ne sont même pas couvertes en tuiles. Il est entouré de quelques cultures. Au sortir du village le sentier redescend presque au bord de la Roya, franchit le ravin de l’Audin, qui débouche du Poggio de Tron, et s’élève de nouveau sur la  berge »

La frontière actuelle est immédiatement en aval et le chemin la traverse entre les bornes 397 B et 398 A.

« (10h50, 19660m) A une heure un quart de distance de Libri, on traverse le village de Fanghetto, un peu plus important que celui de Libri, mais d’un aspect aussi pauvre. Avant d’arriver à ce village on voit un pont sur la Roya, qui dessert le sentier de Fanghetto à Olivetta.

Le bas du versant de la rive gauche, jusqu’au dessus d’Airole, est couvert de magnifiques oliviers. Le sentier se maintient à des hauteurs variables, laisse sur la droite le hameau de Saint Michel (San Michele), que contourne la Roya, dont le cours est sur ce point très sinueux et très tourmenté. La rive droite toujours escarpée, n’est cultivée que dans quelques parties placées à l’exposition du midi ; le reste est garni de taillis ou de bois de haute tige.

(11h55, 23660m) On laisse sur la gauche le village d’Airole d’où s’élève un sentier assez peu frayé, qui conduit à la Rocchetta par le col d’Abeille. (voir remarque ci-dessus).

« La rive gauche devient trop escarpée pour que le sentier puisse continuer à la suivre. Il franchit la Roya sur un pont d’une arche, le seul qui, avec celui de Fanghetto, se trouve entre Breil et Vintimille et s’élève sur l’autre versant, en laissant sur la droite un chemin qui se dirige vers Olivetta, traverse une forêt de pins, et atteint, après une ascension de trois quarts d’heure environ le col de Colla Bassa »

Le pont de Libre n’est donc pas pris en compte (voir ci-dessus).

« 12h35, 26330m) Ce passage, nœud des communications qui relient les deux bassins, est à peine élevé  de trois cent mètres au dessus des deux vallées. Un village qui porte le même nom et qu’entourent des cultures assez soignées, est situé sur le haut du versant, du côté de la Bevéra. On rejoint en ce point le sentier de la rive droite de la Roya, qui, de la Penna, s’est dirigé par Olivetta, sur la Colla Bassa.

A partir du col, le contrefort se relève et forme le massif du mont Pozzo, dont le sommet atteint 566m (12h50, 27330m) 

Sur la carte au 1/50000ème de 1999 éditée par le Conseil Général des Alpes Maritimes et le Province de Cuneo, le point est coté 563m. On ignore de quels éléments Seré de Rivières disposait à l’époque pour donner une altitude aussi précise. La carte d’état major au 1/80000ème pour les Alpes Maritimes date de 1878 soit postérieurement à cette reconnaissance.

« Le sentier gravit le versant de cette montagne, du côté de la Bendola (sic).(Il s’agit de la Bévéra), mais au bout de 25 minutes de montée, il repasse dans le bassin de la Roya et se développe sur les pentes raides du mont Pozzo. On apprécie très bien de là les escarpements de l’autre rive, et les difficultés  qui interrompent toute communication entre Airole et le confluent.

(1h15, 29000m) au détour d’un contrefort du monte Pozzo, en haut de la montée, on découvre devant soi le confluent, Vintimille et les forts qui la dominent. Le sentier très beau, depuis Airole, devient fort mauvais à la descente à mesure qu’on s’approche du fond de la vallée, les pentes s’adoucissent et se couvrent de cultures. Après une heure de marche, on atteint le village de Bévéra placé au confluent même des deux rivières.

(2h20, 33330m) Le volume des eaux de la Roya, en ce point, est assez considérable, mais la Bévéra se réduit à un simple filet d’eau de 0.50 de largeur sur 0.50 de profondeur. Les berges de ces deux rivières s’écartent rapidement en approchant du confluent, et la largeur des deux lits, en ce point, dépasse 400 mètres ; ce n’est plus jusqu’à Vintimille, qu’un immense gravier d’un aspect désolé dans lequel se déplace, à chaque nouvelle crue, le lit de la Roya.

(2h35, 34330m) Après avoir traversé ce gravier, le sentier  suit la berge de la rive droite de la Roya, passe à la hauteur d’un ravin de la rive gauche dont on pourrait tirer parti en cas de siège de Vintimille, pour monter du canon  sur les hauteurs qui séparent la Roya de la Nervia et qui dominent Vintimille et les forts »

Il pourrait s’agir du vallon qui aboutit sur la crête entre les deux vallées un peu au sud de la Madona delle Neve à hauteur du village de Ciaixe où passe une route.

«  Le sentier s’engage ensuite le long d’une prise d’eau, qui fait mouvoir diverses usines  et contourne le pied des contreforts peu accentués d’ailleurs qui se rattachent à la pointe d’Appio et au mont Magliosca (Magliocca).en approchant de la Place, il est tantôt en prise tantôt à couvert des vues des ouvrages. Sa largeur varie de 1.70m à 2.50m ; il n’est pratiqué que par des bêtes de somme, mais peu de travaux suffiraient pour le rendre accessible par l’artillerie. On arrive enfin à Vintimille et on pénètre dans la place par la porte de Breil. Il faut donc 7 heures et demie de marche, pour aller de Breil à Vintimille (3h30, 38000m), ce qui porte à environ trente kilomètres, la distance qui sépare ces deux villes »

 

Bibliographie

L'article est extrait de la collection du Ministère de la Défense, SHD, département de l'armée de terre  1 VD 34 art 4 sect 1 parag 5 c 1bis N° 50