digue du var

 

RECONNAISSANCE DE LA NOUVELLE FRONTIERE


Par le capitaine Bonamy 1861

Mise à jour avril 2018

Cette transcription est tirée d’une note écrite en 1861 par le capitaine Bonamy (). Le texte est en italiques et les commentaires en écriture droite insérés dans le texte :

 

« De Nice à Levens 28 km

On va de Nice à Levens au moyen d’une route carrossable (départementale 1), sur la rive droite du Paillon d’abord puis le vallon de Saint André, lequel débouche dans le premier à trois kilomètres environ de Nice. Ca vallon dirigé du Nord au Sud est celui dans lequel pourrait se jeter une colonne de l’armée ennemie rassemblée au nord de Nice pour tenter une opération en remontant le Var et prendre à revers les défenses de la Tinée et de la Vésubie. Entre Nice et le village de Tourette (Tourrette Levens), situé environ au milieu de la longueur du vallon de Saint André, la route passe dans plusieurs défilés faciles à défendre

Levens est un village de 1800 habitants, bâti sur un mamelon (altitude 400 m) qui commande d’une soixantaine de mètres le plateau ou col qui domine le val Saint André. On trouverait facilement là, je crois l’assiette d’une fortification permanente, si on la jugeait nécessaire.

De Levens on peut descendre par un sentier muletier, en une heure, au confluent de la Vésubie et du Var (altitude 100 m)

 Le prolongement de la route carrossable  de Nice à Levens, laisse le village à l’ouest pour s’engager dans la vallée et sur la rive gauche de la Vésubie ; elle est aujourd’hui carrossable jusqu’à deux kilomètres  environ en aval de Lantosca (Lantosque) soit 20 km (?) à partir de Levens, 48 km (?) de Nice.

La vallée de la Vésubie est généralement fort étroite, fort aride dans la partie basse, surtout ; le lit de ce torrent est souvent encaissé entre des rochers à pic d’une grande élévation ; au sortir de Levens, la vallée est assez large à la hauteur de la route, parce que celle-ci passe à 300 mètres environ au dessus de la rivière, mais on la voit se resserrer de plus en plus  à mesure que la pente de la route vous rapproche du lit ; à 5 ou 6 km de Levens on n’est plus qu’à 50 mètres au dessus.

A partir de ce point la route remonte  pour faire contourner le village de Duranus et vous élève encore à plus de 150 mètres  au dessus de la rivière  sans que ce tracé paraisse bien justifié. Elle passe après Duranus dans un tunnel de 50 mètres de longueur environ dont la défense profiterait.

Le point le plus remarquable, au point de vue militaire, est celui que l’on trouve après la descente de Duranus, à mi chemin environ de Lantosca et de Levens. La route passe et repasse la Vésubie sur deux ponts en maçonnerie d’une seule arche, de 7 à 8 mètres de portée et la distance de 100 mètres environ qui sépare ces passages est un long défilé formé par des rochers à pic dont la distance au pied n’est pas de plus de 40 mètres.

Le défilé  des ponts à Saint Jean devrait être organisé et soigneusement gardé ; en temps de guerre il deviendra très difficile de chasser le premier occupant.

La vallée s’élargit un peu jusqu’à Lantosca surtout aux environs du pont Suchet où la route passe sur la rive droite ; elle y demeure jusqu’à ce village. Les amorces de route faites au-delà de la partie aujourd’hui carrossable (2 kilomètres aval de Lantosca) montrent qu’elle repassera la Vésubie au pied même du village en un point où le lit de la rivière est encore encaissé entre des roches très rapprochées.

Lantosca est un village d’environ 2600 habitants, bâti sur le sommet et sur les flancs à pentes raides d’un contrefort qui vient du nord. On est entre la Vésubie et le torrent de Baorlo. (Riou de Lantosque). Si ce village n’était commandé  de très près, il pourrait être retranché et servir efficacement à la défense de la vallée qu’il barre presque complètement. Son site a une grande analogie au Fort Queyras dans la vallée du Guil.

Aujourd’hui il faut remonter à pied  ou à mulet la distance qui sépare Lantosca de la source de la Vésubie, auprès du col de Finestre. Le sentier est souvent fort mauvais. On va ainsi de Lantosca à Roccabiglière (Roquebillière) en 1 h ½, de Roccabiglière à Saint Martin de Lantosca  (Saint Martin Vésubie), 2h. De Saint Martin de Lantosca à Notre Dame de Finestra (Notre Dame de Fenestre), 1h ½ plus près que le col 3h ½.

La vallée de la Vésubie s’est sensiblement élargie quand on arrive à Roccabiglière. Elle offre là  des cultures assez nombreuses et assez variées, des châtaigniers en abondance. Au-delà, la vallée se resserre de nouveau, la végétation diminue jusqu’à Saint Martin de Lantosca. On suit le pied du Mont Férisson (désignation de Bourcet), (Cartographe du milieu du XVIIIème siècle), dont les pentes raides dénudées jettent leurs eaux dans le gros torrent de la Paillari, (vallon d’Espaillari au droit de Berthemont) obstacle assez sérieux à passer par le mauvais temps. Saint Martin Lantosca est un village d’environ 1800 habitants, bâti sur un mamelon dans une partie de la vallée assez large et assez fertile sur la rive droite de la Vésubie, à l’endroit où celle-ci tourne vers l’est Il est aujourd’hui à deux ou trois kilomètres de notre nouvelle frontière. Il y a  de beaux bois à proximité ; quelques traces de fortifications fort anciennes se montrent dans ce village. Le torrent de Borrione (Boréon), ou Vérieri (?), vient se jeter  sur la rive droite  dans la Vésubie au bas (?) de Saint Martin Lantosca. C’est à deux kilomètres en amont de ce confluent que commence le chemin qui en passant à Saint Dalmas du Plan (Saint Dalmas Valdeblore), au nord du Mont Tournairet, permet d’aller assez facilement dans la moyenne  Tinée  (Rapport en date du 5 septembre 1860, sur une reconnaissance faite par Monsieur le Capitaine Peaucellier).

A partir de Saint Martin Lantosca et jusqu’à sa source, la Vésubie n’est plus qu’un gros ruisseau coulant dans un vallon à pente assez douce dont la largeur (à 10 ou 15 m au dessus du ruisseau) varie de 100 à 300 mètres. La rive droite que suit le sentier muletier est généralement formée d’éboulis rocheux et arides. La gauche est couverte de beaux bois résineux

Après deux heures de marche environ à partir de Saint Martin de Lantosca, la vallée prend un caractère plus sévère, on sent qu’on approche des cimes. Des restes d’avalanches considérables, non encore fondues venant des sommets de la rive droite, commencent à faire pressentir la valeur du passage qu’on a devant soi. Une heure après on est à Notre Dame de Finestre, chapelle ancienne et plusieurs fois relevée, auprès de laquelle les moines propriétaires ont fait élever des bâtiments où on pourrait loger 300 ou 400 hommes en temps de guerre. Il y a aussi une mauvaise auberge où il faut passer la nuit.

La chapelle de Notre Dame de Finestre est à 500 m encore au dessous du col. A part l’herbe, toute végétation a cessé, on approche de la hauteur des neiges perpétuelles. On aperçoit au nord-est une dépression dans les crêtes. C’est un mauvais pas qui permet aux piétons d’aller à l’origine du vallon de Gordelasque. Dans la direction du sud-est, une dépression plus marquée, qu’une croix rend plus visible encore, est le col de la Croce (Pas du Mont Colomb ?) (B vallon de Prats(?) ; il donne un accès un peu moins difficile que le premier dans le vallon précité ; par ce col on descend à St Grato (Saint Grat), (B. .. ; Grand ?). les mulets chargés n’y peuvent passer dans l’état où il est aujourd’hui.

Le terrain qui s’étend entre Notre Dame de Finestre et le col, est partagé en gradins dont les marches sont de petits plateaux. L’un d’eux renferme un petit lac qui reste presque toujours gelé ? D’immenses aiguilles rocheuses ferment l’espace au nord et à l’ouest. Il y a assez de place pour développer un bon sentier muletier, mais pas assez pour faire les lacets d’une route. Aujourd’hui le sentier muletier n’existe plus.

Le col n’est qu’une entaille de quelques mètres de large dans une crête rocheuse.

Au nord rachetant une différence de niveau de 300 à 400 m jusqu’à Praire(?), sont des pentes extrêmement raides (25 à 35°) que j’ai trouvées encore couvertes de neige (10… ?) après un été des plus chauds. La descente était presque impraticable. Ni bois, ni végétation aucune dans un rayon assez grand (4 à 5 kilomètres). Tel est le passage au meilleur moment. Pendant huit mois, il est impraticable.

 

Bibliographie

 

Bonamy - capitaine, Rapport sur la reconnaissance faite par le capitaine du Génie Bonamy du 8 août 1861 au 18 inclus, collection du Ministère de la défense, SHD, département de l’armée de terre, A 4  sect 1 parag 5, Con 1, N°48