digue du var

 

 

SAINT ANDRE DE LA ROCHE SELON BLESSINGTON

 

                                                                                                               

Mise à jour janvier 2022

 

Marguerite Gardiner, Comtesse de Blessington () pages 252 à 254, a visité Saint André le 14 mars 1823.

 

C-contre:

Gravure ancienne,

Vue du sud et detail

Vue du nord

Traduction du compte rendu de sa visite :

 

«  Le château de Saint André est construit sur un rocher abrupt qui domine le village dont les maisons sont situées à sa base. Ce rocher apparaît comme une barrière naturelle pour protéger l’étroit défilé qui mène à la grotte.

Il est couvert de grands aloès et de cactus parmi lesquels l’eau s’écoule, claire comme du cristal  qui s’écoule de diverses fissures, tombant avec un bruit sonore dans un canal qui passe par un aqueduc d’une seule arche surmonté par une seconde arche qui sert de pont pour passer d’une côté à l’autre de la vallée.

Deux chutes d’eau se précipitent de cet aqueduc et s’unissent dans un rapide et transparent courant.

La montée au château est raide et tortueuse et impossible pour un chariot. De la terrasse on a une vue magnifique ainsi que des fenêtres en regardant vers la vallée limitée de chaque côté par une chaine de montagnes rocheuses sur les côtés desquelles des myrtes surgissent en masses luxuriantes. Les pins de montagnes qui s’intercalent avec des cyprès et des chênes verts  sont tellement abondamment présents qu’ici les rochers ont perdu leur aspect naturel de stérilité. A travers cette vallée, le courant formé par les chutes d’eau mentionnées  ci-dessus  serpente maintenant doucement étincelant dans l’éclat du soleil  et puis se perd dans le feuillage des  bouquets d’arbres qui poussent près de ses rives, se montrant à distance comme un serpent qui se faufile parmi les fleurs.

Le bleu de la Méditerranée achève la perspective et fait d’elle une des plus belles scènes qu’il œil ait pu appréhender.

Le château possède quelques bons appartements et pourrait faire une délicieuse résidence. Ses seuls habitants sont pour l’instant un curé et sa servante âgée qui tous deux ont paru très honorés de notre admiration pour leur abord. Le curé a une de ces allures qu’on voit dans les peintures de Rembrandt  dans lesquels l’air contemplatif et la bienveillance sont évidents. Ses manières sont simples quoique dignes, son langage pur et même élégant.  C’est vraiment le personnage qu’on aurait pu choisir pour cet endroit, et sa servante avec sa nette robe noire, sa coiffe blanche, son foulard et son tablier a paru bien faite pour accomplir son emploi.

En parcourant le château nous sommes passés à travers des pièces occupées par le curé.

Dans l’une d’elles se trouvaient des livres, des instruments pour écrire et dessiner. Quelques plantes se trouvaient sur le rebord de la fenêtre et un « hortus siccus » dans lequel il les avait arrangées se  trouvait à côté d’elle. Deux ou trois volumes d’histoire ancienne  se trouvaient sur sa table  et un grand MS sur lequel il travaillait était ouvert. Sa plume se trouvait à côté, l’encre n’était pas encore sèche. Combien j’aurais aimé lire ses notes. Il nous fit noter les vues remarquables que la terrasse permettait avec le gout qui dénotait un amoureux des beaux paysages. Il nous fit remarquer les antiquités dans les environs avec tout le savoir d’un archéologue.

Le salaire alloué à ce curé est de vingt-cinq napoléons par an, une somme que nous penserions à peine convenable pour l’entretien de deux personnes aux plus frugales habitudes. Cependant avec ce maigre revenu, il semblait parfaitement content.

La grotte est à environ un demi-mile du château  et son approche est aussi difficile que pittoresque. Ici la vallée prend un caractère beaucoup plus sauvage et sublime. Un chemin étroit sur la plus grande partie constitué par un mur  à peine assez large pour permettre le passage d’une personne est le seul chemin qui mène à la grotte.

Sur la gauche de ce mur se trouve un précipice abrupt au fond  duquel rugit un torrent rapide qui à certains endroits se précipite avec tumulte sur les rochers d’où une blanche écume s’élève en gouttelettes. Sur l’autre côté du précipice s’élève une prodigieuse montagne qui coupe toute vue sauf celle des nuages. A droite du chemin, existe un canal taillé dans la paroi du rocher au-dessus duquel s’élève la chaine de montagne qui constitue l’autre barrière de la vallée. Ainsi un faux pas pourrait entrainer quelqu’un dans le précipice  sur la gauche ou dans le canal sur la droite.

Les monts rocheux sont presque entièrement recouverts  de myrtes, de divers arbustes aromatiques et de plantes indigènes et poussent avec une luxuriance que je n’ai jamais vue égalée, avec de grands pins et d’autres arbres qui rompent l’uniformité de cette masse de sous-bois.

On peut voir occasionnellement des taches de rochers avec les sources d’eau claires et cristallines jaillissant de leurs fissures et diffusant leurs fines gouttelettes  sur les arbustes qui, avec les rayons du soleil ressemblent à de grandes émeraudes parsemées de diamants.

Un aqueduc d’environ cent pieds de haut  franchit le précipice et réunit les montagnes. Il se compose de deux arches  de fines proportions et un magnifique chêne vert qui penche gracieusement sur un côté couvre presque entièrement avec ses branches la moitié de la première arche et avec son feuillage sombre forme un beau contraste avec la pierre blanche de l’aqueduc qui n’a aucun parapet ni défense d’aucune sorte. C’est vraiment épouvantable de regarder l’effrayant abysse qui baille en dessous. Les rochers près de cet endroit sont aussi blancs que du marbre et en beaucoup d’endroits forment de dangereux gouffres dont la vue accroit la frayeur qu’on a en regardant  en bas depuis le bord étroit de l’aqueduc, une frayeur accrue par le bruit fort de l’eau qui se précipite tout autour.

Ayant franchi cet aqueduc nous avons parcouru environ cinq ou six cents pieds le long d’un chemin non moins dangereux ou difficile que celui déjà parcouru qui nous a mené à l’entrée de la grotte qui constitue l’extrémité de la vallée. L’entrée est basse et a la forme d’une arche large qui s’étend sur toute la largeur de la grotte qui a environ trente pieds de large soixante pieds de long et  trente pieds de haut. Du toit d’innombrables stalactites  tombent autour desquelles  des lichens et des capellaires pendant en  grappes qui ressemblent à des vignes, mais très serrées, avec leurs feuilles d’un vert plus vif cachant à moitié le scintillant cristal de l’eau autour d’elles.

L’eau se précipite  avec une grande  force au fin fond de la grotte  où pénètre la lumière du jour et toute sortie exceptée par l’arc d’entrée est impossible.

La beauté de l’intérieur compense le trouble et la fatigue de l’excursion.

 A notre retour à travers Saint André, nous avons rencontré une troupe d’enfants chargés de bouquets de  fleurs préparés comme cadeau pour les étrangers.

Ils  étaient vêtus de leurs habits de fête et la monnaie que nous leur avons distribuée, quoique de quelques francs, les envoya joyeusement à leur maison en riant et en chantant sur le chemin, leurs joues aussi fraiches et roses que certaines des fleurs  qu’ils nous avaient données »

 

Notes : La Comtesse ne s’est pas intéressée à la décoration intérieure du château.

Un article sur ce sujet de Jean Louis Fontana et Jean Graniou, sous le titre « le château de Saint André, architecture et décoration » est paru dans Nice Historique N°4 année 2006 page 136.

La grotte a été visitée par des touristes célèbres notamment Lamartine, Alphons Karr et la Reine Victoria probablement par un accès plus facile. Elle est maintenant fermée.

Sur le tableau sur huile de Clement Roassal page 97 du livre « le pays de Nice et ses peintres au XIXème siècle, édité par l’Academia Nissarda on voit bien les deux ponts superposés ainsi que sur l’aquarelle de Mion Raynaud page 275 du même ouvrage.

 

Bibliographie

Blessington (Comtesse de) – https://archive.org/details/idlerinitaly01blesuoft

The idler in Italy – Vol I seconde édition, London – Henry Colburn, publisher – Great Malborough street - 1839